La dernière nuit de Claude François

une de France-Soir l’existence de son second fils. Dans un reportage exclusif, les deux enfants apparaissent au grand jour avec les mêmes yeux bleus, la même blondeur, la même coupe au bol et les mêmes vêtements.

    Ils sont deux et ne semblent qu’un, comme si dans l’inconscient collectif, on devait les croire jumeaux.

    À partir de la naissance de leurs fils, Claude et Isabelle ne se voient plus que le week-end, quand il la rejoint à Dannemois, ou le mercredi, quand elle vient faire ses courses à Paris. Elle n’en prend pas ombrage, elle n’est pas femme à chercher la lumière, mais la prison dorée qu’elle a acceptée se révèle au fil du temps pesante. Étouffante.
    Plus grave, Claude la regarde désormais comme la mère de ses enfants. Une mère parfaite, dont il ne cessera de louer le dévouement, mais elle aimerait être regardée comme une femme. Claude est en train de lui échapper. D’autant que, depuis longtemps, il a signé un pacte avec le diable de la tentation : il multiplie les aventures à droite et à gauche et ne s’en cache pas.
    — Toi, c’est de l’amour, les autres, c’est du sexe, lui répète-t-il.
    De l’amour ? Ou une manière de la rassurer et d’entretenir une situation qui l’arrange ? Isabelle finit par avoir l’impression que les autres
ont le meilleur, la légèreté, la séduction permanente, l’insouciance, alors qu’elle a le pire : son égoïsme, ses exigences, ses caprices, ses colères.
    Elle s’use, comme un galet poli par le ressac.
    Peut-être se serait-elle contentée de la situation…
    Mais Claude va précipiter les choses : une autre femme est entrée dans sa vie.

    Il a le plus profond respect pour Isabelle, mais il a besoin d’exceptionnel. C’est un kamikaze de l’amour. La passion dévorante qu’il a connue avec Janet et France lui manque. Il va la trouver en Sofia Kiukkonen, jeune mannequin d’origine finlandaise aux yeux en amande, rencontrée chez Castel.
    Isabelle est exfiltrée vers le sud de la France, à Théoule, avec les enfants.
    En fait, Sofia ne lui a pas laissé le choix. C’était elle, et rien qu’elle, ou rien du tout. Pour cette femme au physique incandescent, il est prêt à tout. Il ne peut pas vivre un instant sans elle : quand elle n’est pas à ses côtés, il renoue avec le vieux démon de la jalousie. Entre eux, c’est « Je t’aime moi non plus » : ils n’arrêtent
pas de se déchirer car Sofia est aussi autoritaire et possessive que lui. Choc des ego… Un jour, il lui demande :
    — Peux-tu m’apporter un verre d’eau ?
    — Tu as tes domestiques pour ça ! se rebiffe-t-elle.
    Malgré l’amour qui la consume elle aussi, Sofia se garde bien de lui appartenir : elle poursuit sa carrière de top model. De Milan à Londres, en passant par l’Amérique du Sud, elle pose pour Elle et Vogue , et refuse même d’intégrer l’agence de Claude. Il enrage de ne pas réussir à la mettre sous sa coupe : jamais il n’a été aussi nerveux. Ses chansons deviennent plus mélancoliques que jamais : il va jusqu’à interpréter « Le Chanteur malheureux », lui qui a toujours incarné aux yeux du public le bonheur et l’insouciance.
    Deux ans après leur rencontre, elle découvre l’existence de Marc, que Claude lui avait caché, à elle aussi. C’est Chouffa qui a lâché le morceau. Comment a-t-il pu ne pas lui en parler ? Peut-elle continuer à vivre avec un homme capable d’un tel mensonge – même s’il s’agit d’un mensonge par omission ? Elle ne rêve que d’enfants et de mariage. Elle veut construire une famille. Quand elle tombe enceinte, Claude se braque : ce n’est pas le moment, mais plus tard, promis. Prêt à lui donner tous les gages, il accepte, lui qui déteste les vacances, lui qui
n’aime que le soleil et la chaleur, de l’accompagner chez elle, en Finlande, pour rencontrer ses parents et découvrir les lieux où elle a grandi. Pendant une semaine, dans une isba, près de la frontière russe, ils vivent du produit de leur pêche, sans eau courante ni électricité. L’accord parfait. Mais, dès qu’ils se promènent en ville, sa jalousie le reprend quand il la voit parler, sourire, éclater de rire avec un homme. Et si c’était un amour de jeunesse ? Et si elle le plaquait, là, rattrapée par ses racines ?
    De retour à Paris, Sofia est de nouveau confrontée à un homme qui se voue entièrement à son métier : les concerts, les tournées, les