La Fausta
M. de Guise tout ce blé poussé à l’ombre du Vatican et que le duc convertirait en un gâteau royal. Et cela m’ennuie.
— Parce que vous voulez votre part du gâteau ? fit M. Peretti en dardant son clair regard.
Pardaillan haussa les épaules.
— Si j’eusse voulu ma part, dit-il, je l’eusse prise. Non, je vous le répète ; il me déplaît que M. de Guise mange de ce pain-là. Et je suis venu dire au meunier de céans : Brave homme, ce soir on t’enlèvera ton trésor… à moins que je m’en mêle. J’ai donc fait signe à deux ou trois hardis compères qui, avec moi, seront là pour recevoir dignement les envoyés de M. le duc de Guise.
— Et pour ce service, dit M. Peretti, pour cette défense que vous m’offrez, que demandez-vous ?
— Rien, répondit Pardaillan.
M. Peretti tressaillit.
— Maître d’un pareil secret, et venant offrir vos services, pouvant exiger beaucoup, vous ne demandez rien… C’est bien beau, monsieur… Trop beau, peut-être !
Si bas que le vieillard eût prononcé ces derniers mots, Pardaillan les entendit et il dit :
— Evidemment, monsieur, vous pouvez soupçonnez une trahison sous ce désintéressement qui vous paraît beau, à vous, et qui me paraît à moi très simple puisque je n’ai nul besoin d’argent. Sans doute, vous pouvez vous demander si je ne suis pas un ennemi envoyé d’avance dans la place. Aussi n’ai-je à vous offrir que ma parole pour preuve de ma sincérité.
— Et si je ne vous croyais pas ?
— En ce cas, dit froidement le chevalier, je serais forcé de vous tuer, vous et vos muletiers, afin que je puisse ensuite empêcher le trésor pontifical de tomber dans les mains de Guise.
— Quoi ! Vous me tueriez ?
— Non sans quelque chagrin, je dois l’avouer ; car votre air me plaît.
— Eh bien, par les Saints et la Vierge, votre air à vous aussi me plaît fort. Jeune homme, j’ai confiance en vous. Je veux donc commencer par vous montrer où sont cachés les sacs. Venez…
Et M. Peretti grommela en lui-même :
— Cette fois, il faudra bien qu’il se découvre !…
Mais Pardaillan demeura assis et reprit tranquillement :
— Je n’ai nul besoin de savoir où est votre trésor, maître Peretti. Et même, si j’ai un bon conseil à vous donner, ce serait de faire recharger à l’instant vos sacs sur vos trente mulets, et de les faire filer.
M. Peretti était sans doute un homme très soupçonneux car il réfléchit que ce Pardaillan pouvait bien lui avoir été expédié pour attirer ses hommes dans une embuscade. D’autre part, cette physionomie étincelante d’audace et de loyauté lui inspirait confiance. Il résolut donc de ne pas remettre en route le trésor et d’accepter les services de Pardaillan.
— Vous êtes un brave chevalier, dit-il ; excusez mes défiances, elles vous sembleront naturelles quand vous saurez que je suis responsable de tout cet argent. Je parlerai de vous à notre Saint-Père, vous pouvez en être assuré, et il trouvera, lui, une récompense digne de vous.
— Ma récompense est toute trouvée, dit Pardaillan, narquois. Ne vous en inquiétez donc pas, je vous en prie.
M. Peretti, encore une fois, demeura perplexe.
« Quel diable d’homme est-ce là ? » songea-t-il avec étonnement.
Et, pour pénétrer le mystère, il pria le chevalier à dîner avec lui, ce que Pardaillan s’empressa d’accepter, vu que la matinale promenade lui avait fort aiguisé l’appétit.
Pendant ce repas, il remarqua plusieurs choses : d’abord que le dîner lui-même était de beaucoup trop délicat pour un simple meunier ; ensuite que M. Peretti était entouré d’un respect étrange. Il en conclut qu’il avait affaire à quelque haut et puissant seigneur au service de Sixte Quint. Quant à M. Peretti, il ne put rien remarquer chez son hôte, sinon qu’il possédait le plus robuste appétit, et qu’il avait la plus agréable causerie.
Le dîner finissait lorsque le duc d’Angoulême arriva, escorté de Picouic et Croasse. Les deux laquais portaient chacun deux mousquets, des pistolets, enfin tout un attirail de guerre qui fit sourire M. Peretti.
— Diable ! fit-il, je vois que vous êtes homme de précaution. Nous avons là de quoi soutenir un siège…
— Aussi bien, est-ce d’un siège qu’il s’agit.
— Quoi ! vous croyez vraiment que le duc de Guise…
— Je crois que ce soir il y aura une petite armée au pied de la butte Saint-Roch,
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