La Fausta
Léonore ! rugit Farnèse en reculant, tandis que Saïzuma s’avançait vers lui.
— Qui donc a prononcé mon nom ? demanda la bohémienne.
Farnèse livide, les yeux exorbités, les cheveux hérissés, reculait toujours… Il recula jusqu’à ce qu’il rencontrât le mur, et alors il s’y adossa, le visage dans les deux mains. Et quand Saïzuma fut tout près de lui, il tomba à genoux en bégayant :
— Léonore ! Léonore ! Est-ce toi ? » Es-tu un spectre sorti du tombeau ?…
A ce moment, la voix éclatante de Fausta s’éleva.
— Adieu, cardinal ! Je te mets aujourd’hui aux prises avec Léonore de Montaigues, ton amante !… Prends garde que je ne te mette un jour aux prises avec le spectre de ta fille !…
Mais Farnèse n’entendait pas. La vie était suspendue pour lui.
Il ne voyait même plus Fausta… il ne voyait que Saïzuma… Léonore… le spectre !…
Fausta s’était dirigée vers la porte sans hâter le pas. Là, elle trouva Claude qui attendait et qui, la voyant apparaître, demeura stupide d’étonnement. Que s’était-il donc passé ?… Farnèse avait-il pardonné ?… D’un bond le bourreau pénétra dans la salle, courut à Farnèse, et vit alors Saïzuma qui se penchait sur le cardinal.
— La mère de Violetta !… murmura-t-il pétrifié.
Et Claude recula de quelques pas, effaré, presque terrifié, par cette soudaine apparition de celle qu’il avait dû jadis, par un matin de novembre, exécuter sur la place de Grève. Alors, à l’attitude de Farnèse, de l’amant de Léonore, il comprit pourquoi Fausta avait pu sortir si tranquillement de cette salle où elle devait mourir. Mais la vue de Léonore de Montaigues ne pouvait produire sur lui le même effet qu’elle venait de produire sur le cardinal. Sa haine, qui un moment avait fait place à la stupéfaction, lui revint plus violente.
— Eh bien ! murmura-t-il, je serai donc seul à exécuter cette femme !
Et il s’élança au-dehors sur les traces de Fausta. Mais déjà celle-ci avait rejoint son escorte devant le grand porche du couvent. De loin, Claude vit la litière s’éloigner, entourée de cavaliers.
— Elle m’échappe ! gronda-t-il. C’est bien. Une autre fois, j’agirai seul !…
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Chapitre 24 LA SŒUR PHILOMENE
M aître Claude revint sur ses pas. Un instant, il s’arrêta devant le pavillon où il avait laissé le prince Farnèse aux prises avec ses remords et ses terreurs personnifiés par ce spectre du passé qui s’appelait Saïzuma. Mais bientôt, haussant les épaules, il se dirigea vers la brèche. Il songeait, en marchant lentement :
« Fausta sait que le cardinal Farnèse veut la tuer. C’est elle qui a amené la malheureuse Léonore au cardinal. Pourquoi ?… Elle avait une escorte suffisante pour faire saisir Farnèse… elle s’éloigne simplement. Pourquoi ?… Quelle est la pensée de cette femme ?… Pourquoi n’a-t-elle pas essayé de me saisir moi-même ?… »
Claude franchit la brèche par où il était entré avec le cardinal Farnèse et s’enfonça sous les beaux châtaigniers mêlés de hêtres, qui élevaient leurs masses touffues sur la montagne aujourd’hui couverte de maisons.
Comme Claude descendait les rampes abruptes, il vit monter quatre hommes qui marchaient en deux groupes. Il se demanda ce qu’ils venaient faire là et s’il ne devait pas les suivre jusqu’au couvent vers lequel ils paraissaient se diriger. Mais à quoi bon ?… Que lui étaient ces étrangers ? Et puis, dans le couvent, il n’y avait plus rien d’intéressant pour lui. Plus rien d’intéressant au monde, puisque Violetta était morte !…
Claude continua à descendre et croisa les deux premiers de ces inconnus qu’il salua gravement. Ils lui rendirent son salut, le plus âgé d’un signe de la main, le plus jeune en soulevant son chapeau. Et Claude continua son chemin vers Paris.
Ce jeune seigneur que Claude ne connaissait pas et qui venait de lui rendre son salut plus courtoisement que ne faisaient en général les gentilshommes à un simple bourgeois comme lui, c’était celui-là même qu’il avait été chercher à l’
Auberge de l’Espérance
pour le conduire auprès de Violetta… c’était Charles d’Angoulême.
Il rayonnait d’espoir, le petit duc ! Cette bouche d’or de Pardaillan lui avait si bien répété qu’il retrouverait Violetta, lui avait donné de si bonnes raisons, lui avait tant affirmé qu’en amour, il
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