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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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le fleuve et qui était la grève proprement dite. Là, une litière venait d’arriver.
    Elle s’était placée de façon que les personnes qu’elle contenait pussent embrasser toute la scène : la place noire de cette foule plus agitée maintenant, où couraient les grondements du peuple qui s’excitait, s’exaspérait de la vue même des bûchers ; la grande estrade entourée d’archers ; les deux gibets émergeant des bûchers et dominant les flots sombres de la multitude, comme des signaux d’écueils, en mer. Une vingtaine d’hommes armés d’épées et de poignards entouraient cette litière, dont les rideaux de cuir étaient fermés.
    Un instant, ces rideaux s’entrouvrirent, et Belgodère aperçut l’intérieur tapissé de satin blanc. Une tête pâle se montra, puis disparut… une tête pâle d’où jaillit le double éclair d’un regard flamboyant. Mais si rapide qu’eût été cette apparition, le bohémien l’avait reconnue :
    — La Fausta ! murmura-t-il.
    A ce moment, une fanfare de trompettes retentit sur la place, des exclamations délirantes éclatèrent dans un roulement de tonnerre, les femmes agitèrent leurs écharpes, les hommes leurs chapeaux ou leurs bonnets ; de la rue du Temple débouchait un quadruple rang de cavaliers aux toques ornées de touffes de plumes, aux pourpoints de soie cramoisie sur lesquels se détachait l’écusson de Guise avec ses merlettes aux chevaux richement caparaçonnés d’étoffes brodées d’or ; ils levaient vers le ciel le pavillon de leurs trompettes ornées de pavillons de velours où se répétait l’écusson ducal de Lorraine et leur éclatante fanfare semblait annoncer la venue de quelque roi tout-puissant.
    Derrière eux venaient les gardes particuliers d’Henri de Guise, somptueusement vêtus de drap d’or, portant à l’épaule d’étincelantes hallebardes. Puis le capitaine des gardes et les officiers à cheval.
    Et enfin, seul dans un large espace laissé vide, monté sur un magnifique alezan aux naseaux de feu, vêtu de soie blanche, le manteau cramoisi les épaules, les rênes dans une main, le chapeau à l’autre, faisant exécuter à sa monture d’élégantes courbettes, souriant aux femmes, aux hommes, à la foule délirante, aux fenêtres garnies de têtes enthousiastes, superbe vraiment, le duc de Guise apparaissait, soulevant sur son passage une longue rumeur de vivats.
    Derrière lui, la foule de ses gentilshommes avec des costumes de parade étincelants de broderies, passaient dans un cliquetis d’éperons et d’épées, dans le froufrou de leurs manteaux de soie ou de satin aux éclatantes couleurs.
    C’était un splendide spectacle, une prodigieuse mise en scène : le chatoiement des étoffes, l’étincellement des broderies, l’éclair des aciers argentés, les chevaux caparaçonnés qui hennissaient et levaient haut le genou, Guise resplendissant, enivré, qui saluait avec une grâce altière, les gentilshommes fardés, frisés, caracolant, les trompettes qui sonnaient la gloire, les fleurs qui tombaient des fenêtres, et la foule énorme, passionnée, délirante dont la voix de tonnerre montait au ciel en une terrible acclamation.
    Henri de Guise et ses gentilshommes mirent pied à terre et prirent place aussitôt sur les sièges de l’échafaud élevé en face des deux bûchers et presque au même instant, au loin, du fond de la rue Saint-Antoine, arrivèrent en rafales sinistres des mugissements sourds, et c’étaient des cris de haine et de mort… c’étaient les deux condamnées qu’on allait livrer à la justice du peuple et qu’on amenait au supplice…
    Alors Belgodère regarda la grande horloge de l’hôtel des prévôts : elle marquait bientôt dix heures !… Il se tourna vers la maison que lui avait signalée Fausta. Elle était sombre et muette, fenêtres et portes closes, avec un visage tragique au milieu de toutes les faces de maisons aux fenêtres ouvertes desquelles se penchaient des femmes agitant des écharpes ou jetant des fleurs.
    — Il est temps ! dit Belgodère.
    Il marcha droit à la maison fermée, heurta rudement. La porte s’ouvrit aussitôt. Un serviteur vêtu de noir apparut et, avant que le bohémien eût ouvert la bouche, demanda en hâte :
    — Est-ce vous qui venez de la part de la princesse Fausta ?
    — Oui, dit Belgodère étonné.
    — Venez ! venez ! monseigneur se meurt d’angoisse à vous attendre !
    — Ah ! il m’attend ! fit Belgodère

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