La Fausta
ma fille ! gronda Farnèse.
— Tué ! hurla Claude. Est-ce cela que tu devais nous annoncer ! Oh !… malheur ! malheur sur toi, si cela est !…
Belgodère éclata de rire.
— Dent pour dent ! grinça-t-il ? Tu veux ta fille, dis ?… Tu veux la voir ?…
— Horreur et malédiction ! que va-t-il dire ? bégaya Farnèse.
— Ce matin, acheva Belgodère d’une voix de tonnerre, à cette heure, à ce moment, on prend, on brûle les Fourcaudes !…
Claude qui s’était redressé, Claude qui avait saisi son poignard, Claude à ce mot de Fourcaudes, se replia, se recula, se courba, son regard vacilla, et ses lèvres tremblantes dans un gémissement, murmurèrent :
— Pardon ! oh ! pardon !… Je croyais faire bien !…
— Les Fourcaudes !… Il y en a bien une sur le bûcher !… L’autre n’y est pas !… L’autre Fourcaude, sais-tu qui c’est ? Dis ! sais-tu qui va être pendue et brûlée à la place de Jeanne près de Madeleine Fourcaud ?… Non, tu ne sais pas !… Eh bien, regarde !…
D’un bond terrible, Belgodère fut à la fenêtre ; d’un coup de poing furieux, il repoussa les volets, le soleil entra à flots, inonda ces trois visages livides, convulsés, et avec le soleil entra l’épouvantable clameur de la foule. Farnèse délirant se rua à la fenêtre. Un cri lugubre déchira l’espace.
— Violetta !… Là !… Là !… Au bûcher !… Violetta !…
— Violetta au bûcher ! rugit Claude.
— Regarde ! tonna Belgodère.
Claude regarda… Sur le bûcher de gauche se balançait le corps de l’une des Fourcaudes déjà pendue, et les flammes l’enveloppaient… L’autre Fourcaude, à ce moment, était entraînée au bûcher de droite… Et celle-ci c’était Violetta !…
Claude empoigna Belgodère par le cou ; terrible, effroyable à voir, avec un visage sans expression humaine, il se pencha et dans ce mouvement força le bohémien à se pencher. Les deux têtes, celle du bourreau et celle du bohémien, collées l’une contre l’autre, hideuses, crispées, apparurent semblables à ces têtes de damnés comme il y en a sur les vieilles cathédrales. Et la voix de Claude, voix rauque, voix à l’intraduisible accent, à l’oreille de Belgodère hurla ces paroles :
— Regarde à ton tour !… Regarde démon !… Regarde le corps de Madeleine Fourcaud !… Regarde !… La corde se brise !… Regarde !… La voilà dans les flammes !… Belgodère !… Belgodère !… Celle qui brûle ne s’appelle pas Madeleine !… Elle s’appelle Flora et c’est ta fille !…
A ces mots, Claude, d’un mouvement frénétique, repoussa Belgodère dans la chambre et, avec une imprécation sauvage, enjambant l’appui de la fenêtre, il sauta dans le vide. Belgodère avait poussé un de ces hurlements sinistres comme en ont les fauves qu’on égorge.
Ainsi que dans un cauchemar, il vit Claude traverser l’espace, tomber, rouler sur le dos, puis se relever, et la dague à la main, se ruer sur la multitude, vers le bûcher… vers Violetta !… Belgodère tendit les bras, des larmes de sang coulèrent sur son visage monstrueux, et cette voix rauque, cette voix de tigre qui gronde devint tout à coup d’une douceur ineffable :
— Flora !… ma Flora !… Morte !… Morte comme ta mère !… Morte de cette mort hideuse !… Oh ! ma Flora !…
Tout à coup, il se recula avec une clameur déchirante.
— Et Stella !… Ma toute petite Stella !… Dire que je ne t’ai pas reconnue cette nuit ! Oh ! bénédiction des astres bienfaisants ! Il m’en reste donc une !… A toi, ma Stella !… Attends, voici ton père qui accourt te délivrer !…
La vision de Stella enfermée par lui-même dans l’enclos de l’abbaye de Montmartre fulgurait dans son imagination. Il s’élança. Il se rua… Et tout à coup, il se sentit saisi à l’épaule par une main de fer. Son regard hébété de douleur et de joie, de désespoir et d’espérance, son regard où il y avait des ténèbres de mort et des aubes de vie, se fixa sur l’homme qui l’arrêtait.
— Qui es-tu ? que veux-tu ? gronda-t-il.
— Je suis le père de Violetta, dit Farnèse d’une voix glaciale. Et tu vas mourir ici !…’.
— Le père de Violetta ! vociféra Belgodère stupide d’étonnement. Le père de Violetta, c’est Claude.
— Le père de Violetta, c’est moi ! clama Farnèse avec un accent de surhumain désespoir. Et puisque c’est toi
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