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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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se mit en marche. Il ne courait pas. Ce n’était plus la ruée de tout à l’heure. C’était une marche dans un enveloppement d’éclairs. La rapière tourbillonnait, pointait, frappait, sifflait ; sur la route sanglante, des gens tombaient… et Pardaillan blessé aux deux bras, blessé à la gorge, blessé à la poitrine, ses vêtements en loques, pareil à une statue rouge, éclaboussé de sang du front aux pieds, marchait, couvrant de son prodigieux moulinet Charles et Violetta, les deux petits, les deux amoureux qui se regardaient, ayant peut-être oublié dans cette minute adorable et terrible où ils étaient pour se dire qu’ils s’aimaient et s’aimeraient toujours !…
    Pardaillan atteignit les chevaux au moment où une vingtaine de gentilshommes se ruaient sur lui tous ensemble. Il mit son épée en travers de ses dents.
    — Tue ! Tue ! vociférèrent les gentilshommes.
    Pardaillan empoigna Charles, tenant Violetta, et les souleva tous deux d’un terrible effort : Charles se trouva à cheval, Violetta assise devant lui, sur l’encolure, l’enlaçant d’un de ses bras.
    — Tue ! Tue ! rugirent les assaillants…
    Ils étaient sur lui… Les truands décimés avaient fui !… La foule revenait à la charge avec une clameur sauvage, comprenant enfin qu’on lui enlevait une Fourcaude, et que la fête serait manquée et que l’un des deux bûchers ne s’allumerait pas ! Tous les gentilshommes de l’estrade étaient descendus ; les archers, les hallebardiers avaient reformé leurs rangs…
    Pardaillan vit qu’il était seul !…
    Seul contre deux ou trois cents gentilshommes… Seul contre cinq ou six cents gardes !… Seul contre vingt mille furieux qui couvraient la Grève !…
    Pardaillan sourit…
    * * * * *
    — O vous que j’aime, murmura Charles, que ma dernière parole soit une parole de bonheur… je vous aime !…
    — O mon beau prince, dit Violetta extasiée, je vous aime, et mon bonheur est grand de mourir dans vos bras… je vous aime !…
    A cet instant, l’immense clameur de mort et de joie affreuse devint de nouveau une clameur d’épouvante… Charles regarda au loin… Autour de lui, tout à coup, la place se vidait… Et il vit que partout on fuyait… Les gentilshommes fuyaient, les gardes fuyaient, le peuple fuyait. Et seule maintenant sur l’estrade, Fausta, haletante, rugissait une suprême imprécation de rage…
    Partout, vers le fleuve, vers les rues, des torrents d’hommes se précipitaient… Que se passait-il ?…
    Les chevaux de l’escorte, pris de folie sans doute, s’étaient débandés…
    Près de quatre cents chevaux lâchés, furieux, hennissant, ruant, affolés encore par les cris de détresse, renversant des groupes, les écrasant, les culbutant de leurs poitrails, galopant dans tous les sens, les uns seuls, d’autres par bandes, d’autres se heurtant, se mordant, tombant, se relevant et reprenant leur course insensée…
    Comment ?… Pourquoi cette folie soudaine ? pourquoi lâchés ?
    Les chevaux de l’escorte, quelques secondes avant, étaient encore massés près de l’estrade, tenus par groupes de six, de huit, de dix, dont toutes les brides étaient dans la main d’un laquais pour chaque groupe.
    A la seconde où les truands furent dispersés, où les gardes se reformèrent, où les gentilshommes se ruèrent, où Charles fut placé, jeté à cheval avec Violetta, Pardaillan bondit sur le laquais le plus proche de lui, et l’envoya rouler sur le sol d’une furieuse poussée ; en même temps, il se mit à cravacher les chevaux de sa rapière : la rapière, transformée en cravache cingla des croupes, fouetta des naseaux, zébra d’estafilades sanglantes des poitrails et des encolures…
    Et les chevaux fous de douleur, se cabrant, se dressant, se mordant et ruant, se précipitèrent en une galopade éperdue. Pardaillan s’élança sur un deuxième groupe : même manœuvre, mêmes cinglements, même fuite enragée des bêtes affolées… et il allait se ruer sur un troisième groupe lorsqu’il s’arrêta, soufflant, suant une sueur rouge, et partit d’un de ces formidables éclats de rire comme il en avait eu deux ou trois dans sa vie…
    Maintenant, c’étaient les chevaux eux-mêmes qui faisaient sa besogne !…
    Les premiers débandés renversaient les laquais, la panique infernale gagnait de groupe à groupe avec la foudroyante rapidité de toutes les paniques ; les laquais renversés lâchaient leurs

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