La Fausta
était blessé ; et ensuite l’ennemi répondait à ses vociférations par des hurlements fous aussi soutenus. Il en résulta un vacarme épouvantable.
Dans la rue, les gens d’armes apprêtèrent leurs arquebuses et se serrèrent en masse compacte.
Dans la cuisine, Croasse soufflant, suant, les cheveux hérissés, les yeux exorbités, assommait des ennemis invisibles ; les casseroles, les chaudrons tombaient et se heurtaient à grand fracas… et cependant, l’ennemi, le seul, l’unique ennemi, parfaitement visible, Croasse ne le voyait pas…
Cet ennemi, c’était un chien. Et ce chien, c’était Pipeau.
Pipeau avait considéré que Croasse fouillant un placard réservé à toutes sortes de choses succulentes, ne pouvait être qu’un voleur. Or, il n’y a rien d’acharné comme un voleur contre les voleurs. Pipeau, qui dans sa vie avait commis d’innombrables escroqueries et élevé le vol à l’étalage à la hauteur d’un principe, Pipeau ne voulait pas que d’autres volassent.
Pendant dix minutes, l’homme croassant, le chien hurlant, les casseroles mugissant, ce fut donc une affreuse mêlée. Au bout de ces dix minutes, Croasse s’aperçut qu’il avait un chien dans les jambes.
— Tiens ! fit-il, en fuyant, ils ont oublié leur chien !… Mais quelle fuite ! ajouta-t-il en soulevant le rideau de la porte vitrée qui communiquait avec la salle commune. Lâches ! Ils ont tout barricadé !… Allons, tais-toi, le beau chien !… Voici pour toi !…
En parlant ainsi, Croasse, magnanime comme tous les vainqueurs, saisit un demi-poulet dans le placard et le jeta à Pipeau. Pipeau qui venait de mordre Croasse, Pipeau qui ne voulait pas qu’on volât, s’arrêta net devant ce demi-poulet qui lui tombait du ciel, et une patte levée, considéra le voleur qui continuait à fouiller dans le placard.
Pipeau hésita quelques secondes, puis saisissant dans sa gueule le don du magnifique Croasse, il se coucha à ses pieds en remuant son moignon de queue… Croasse cessait d’être un voleur… puisqu’il partageait !
Croasse désormais tranquille tira du fameux placard un pâté d’anguilles, un autre poulet qui, celui-là, était intact, plusieurs flacons de vin et s’installa à table, tandis que le chien s’installait dessous.
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Chapitre 43 HEROISME DE PARDAILLAN
H uguette avait déposé sur une table le bol et les bandages qu’elle apportait. Le bol contenait une savante mixture composée par Huguette, à l’effet de cicatriser les blessures du chevalier, et les bandes de toile étaient pour maintenir les compresses.
— Pour qui tout cela ? fit Pardaillan.
— Pour vous, monsieur le chevalier, répondit Huguette, qui toute pâle et tremblante des rumeurs qu’elle entendait devant la porte de sa maison, oubliait pourtant ses terreurs pour ne songer qu’à ses devoir de bonne hôtesse.
— Tiens, c’est vrai, je suis quelque peu décousu, dit Pardaillan qui s’aperçut alors que le sang coulait sur ses mains. Mais, ma chère Huguette, si excellente chirurgienne que vous soyez, je crois que vos soins sont inutiles. Dans quelques minutes, tout serait à recommencer, et alors vous auriez vraiment trop d’ouvrage. D’ailleurs ces estafilades ne font que me dégourdir le bras, et le sang réchauffe… tandis que vos bandages me gêneraient fort.
— Mon Dieu, monsieur, vous parlez comme si vous alliez être attaqué…
— Attaqué, ma chère Huguette !… Je crois que dans une demi-heure il ne restera pas grand-chose de votre auberge ; une fois encore je vais être cause d’une grande destruction chez vous… ce sera la dernière !
— Mais vous ! fit Huguette d’une voix mourante.
— Oh ! moi, toute la charpie que pourraient effiler vos jolies mains me serait parfaitement inutile. Consolez-vous, Huguette, nous sommes tous mortels ; et après tout, ce m’est encore une joie sur laquelle je ne comptais pas que de mourir en cette bonne auberge où j’ai connu les plus douces heures de ma vie.
Huguette poussa un gémissement, s’assit sur un escabeau, et ramenant son tablier sur sa tête, se mit à pleurer. Pendant qu’il parlait, d’abord avec Croasse et ensuite avec Huguette, Pardaillan allait et venait, traînait des tables et des bancs, et renforçait la barricade qu’il élevait avec toutes les règles de l’art. Quand il eut fini, il se recula pour juger son œuvre et approuva d’un clignement de paupières.
— Parfait, dit-il. A l’abri
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