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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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partie de cette fameuse bande de quarante-cinq gentilshommes que le roi entretenait pour sa défense personnelle : spadassins consommés, sourds à toute pitié, braves jusqu’à la témérité, lorsque le roi leur désignait une victime, ils frappaient sans hésiter, sans remords, la victime fût-elle de leurs amis, de leurs parents même.
    Le geôlier avait monté un étage et ouvert une porte. Pardaillan et Charles entrèrent, tandis que le reste de la troupe attendait dans l’escalier. A la lueur de son falot, Pardaillan vit, accroupi dans un angle, un pauvre être de misérable apparence, vêtu de sordides guenilles, les cheveux incultes, la barbe longue et grise, le regard éteint. Cet homme, ce misérable, tremblait.
    — Qui êtes-vous ? demanda Pardaillan en s’inclinant.
    — Ne le savez-vous pas ? Je suis le numéro onze, répondit l’homme.
    — Votre nom ?… reprit doucement le chevalier.
    — Mon nom ?… Je ne sais plus…
    Pardaillan frissonna.
    — Il y a donc bien longtemps que vous êtes dans cette tour ? reprit-il.
    — Dix ans, vingt ans… je ne compte plus. Le roi Charles IX me fit arrêter le jour de son avènement au trône avec quatre de mes amis, pour une pasquille que nous chantâmes…
    — Où sont vos quatre amis ?…
    — Morts, répondit sourdement le prisonnier.
    Le chevalier secoua la tête et grommela quelques mots qu ‘ on n’entendit pas. Le prisonnier, ramenant un lambeau d’étoffe sur ses épaules, avait repris son attitude morne et indifférente. Il avait dû sans doute recevoir plus d’une visite de ce genre et n’y attachait plus d’importance.
    — Mon ami, dit Pardaillan, venez, vous êtes libre…
    L’homme se redressa tout d’une pièce.
    — Hein ? fit-il. Qu’est-ce que vous chantez là ?…
    — La fin de votre pasquille, dit Pardaillan en souriant. Je vous dis : venez, vous êtes libre…
    L’homme éclata de rire, puis brusquement se mit à pleurer. Il comprenait à peine la fantastique aventure et il commençait un long discours extravagant, où il tâchait de peindre ce qu’il avait souffert. Mais voyant que ses visiteurs s’en allaient en lui faisant signe de venir, il se couvrit de son mieux d’une couverture et se mit à les suivre, hébété de joie et de stupeur.
    Déjà Pardaillan pénétrait dans un cachot qui se trouvait en face. Là-aussi se trouvait un vieillard ; mais celui-ci, décemment vêtu, le visage empreint d’une noble intelligence, travaillait à la lueur d’une petite lampe, à des dessins et des plans qu’il traçait sur des cartons. A la vue de ces nocturnes visiteurs, cet homme se leva, salua et dit :
    — Soyez les bienvenus dans la demeure qu’il a plu à la grande Catherine d’offrir à Bernard Palissy…
    — Monsieur Palissy ! murmura Pardaillan.
    C’était, en effet, l’illustre artiste enfermé à la Bastille pour avoir déplu à Catherine de Médicis.
    — Monsieur, reprit Bernard Palissy, êtes-vous de la Cour ? Voulez-vous vous charger de remettre à Sa Majesté un mémoire où j’explique que j’ai besoin de compas et de crayons ? On m’a déjà accordé une lampe ; mais je suis obligé de ménager l’huile, et c’est ce que j’explique aussi…
    — Je regrette de ne pouvoir me charger de votre placet, dit Pardaillan de cette voix paisible qui lui servait à masquer ses émotions. Venez, vous êtes libre.
    Pardaillan sortit, tandis que l’artiste, stupéfait, demeurait un instant immobile, étourdi, puis se hâtait de rassembler ses cartons d’une main tremblante et, les serrant précieusement sous son bras, se mêlait aux autres prisonniers… aux autres délivrés…
    — Qui est cet homme ? demanda-t-il au vieillard déguenillé en désignant Pardaillan.
    Le pauvre vieux secoua la tête et répondit avec une sorte de vénération passionnée :
    — Je ne sais pas son nom. C’est l’homme qui dit : « Vous êtes libre ! »…
    Et ils suivirent. Au troisième étage, Comtois, avec le soupir d’un geôlier qui fait cet affreux cauchemar de délivrer ses prisonniers, ouvrit une porte derrière laquelle Pardaillan trouva trois hommes qui, ayant entendu le bruit des pas, écoutaient, anxieux. C’étaient trois huguenots qui devaient prochainement subir la question avant d’être pendus. Les malheureux, en voyant tout ce monde, s’imaginèrent que le moment terrible était arrivé et, avec une énergie désespérée, entonnèrent un psaume.
    — Vous chanterez demain,

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