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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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il ouvrit la grille de fer qu’il avait fermée pour couper toute retraite aux gardes. Et, faisant signe à sa troupe de le suivre, il s’élança sous une large voûte au-delà de laquelle il se trouva dans une autre cour. Là, le silence était complet. On ne voyait personne ni rien, sinon les murailles des bâtiments intérieurs.
    En lui-même, Pardaillan rendit grâce à l’architecte qui avait construit la Bastille et avait disposé ces bâtiments de telle sorte que l’effroyable tumulte de la mêlée dans la cour du Nord n’avait pu être entendu. Il chercha une issue en contournant les murailles et, face à la voûte qu’il venait de franchir, il vit s’ouvrir devant lui une sorte de tuyau, long corridor humide et noir. Il s’y engagea, suivi de son étrange troupe, et arriva à un tournant.
    — Qui va là ? cria une voix tout à coup.
    Et en même temps la même voix se mit à hurler :
    — Sentinelles, veillez ! Sentinelles, aux armes !
    Au loin, des voix de plus en plus faibles, comme des échos, répétèrent :
    — Sentinelles, aux armes !…
    Pardaillan s’était rué en avant, sa dague au poing — la dague de Bussi-Leclerc. Mais devant lui, il ne trouva rien : la sentinelle qui avait jeté l’alarme s’était repliée au pas de course sur la grand-porte. Et maintenant, c’était, dans l’énorme forteresse, un bruit de gens qui courent, qui s’interpellent, une clameur sourde pareille aux premiers mugissements d’un orage.
    Pardaillan eut un frémissement de tout son être. Il se tourna vers ceux qui le suivaient et dit simplement :
    — Voulez-vous tenter avec moi d’être libres ? Il faudra peut-être mourir. Mais la mort, c’est aussi une liberté comme une autre…
    — Libres ou morts ! crièrent-ils ensemble.
    — Eh bien, reprit Pardaillan d’une voix qui cette fois résonna comme une fanfare de bataille, eh bien, en avant donc, et puisqu’on ne peut être libres à moins ; prenons la Bastille !
    — En avant ! Prenons la Bastille ! A nous la Bastille ! vociférèrent les enragés, emportés dans un grand souffle de folie.
    Pardaillan se mit en marche, tranquille en apparence, souple et nerveux comme un de ces grands fauves qui, la nuit, sillonnent le désert. Des cris éclataient devant lui.
    — Aux armes ! Rébellion ! Aux armes !
    Derrière lui, la troupe hagarde, transposée en un état de songe terrible, marchait silencieuse, les yeux rivés sur lui. Et tout à coup, à dix pas devant lui, dans une cour, dans la clarté des torches allumées, il vit grouiller une masse confuse d’hommes d’armes, en tête desquels marchait un officier.
    Celui-ci, d’un geste, arrêta devant l’entrée du corridor sa troupe qui, les yeux éblouis par les torches, cherchait à reconnaître le nombre des ennemis qu’elle avait à combattre, et à quelle fantastique espèce appartenaient ces ennemis. Pardaillan marchait toujours, sans hâter ni ralentir le pas. Cet instant de silence fut bref.
    — Holà ! cria l’officier, qui êtes-vous ? Qu’on se rende à l’instant !…
    — En avant ! rugit Pardaillan.
    Dans le même instant, il y eut la vision d’un bond terrible. Pardaillan se ramassa sur lui-même, se détendit comme un ressort, et, en deux pas, fut sur l’officier. Un geste foudroyant suivit le bond ; l’officier tomba comme une masse, tué raide d’un coup de dague au défaut de l’épaule.
    Les gardes, en voyant tomber leur chef, eurent ce recul instinctif qu’on remarque dans toutes les troupes habituées à l’obéissance passive. Et cette inappréciable seconde de trouble suffit aux révoltés pour sortir du corridor et se ruer dans la cour.
    — Feu ! feu ! vociféra un sergent.
    Quarante arquebuses tonnèrent. L’ouragan de fer s’engouffra dans le corridor, les balles crépitèrent sur les murailles, et, en même temps que ce roulement de tonnerre, éclata une énorme vocifération de triomphe… immédiatement suivie de malédictions furieuses…
    En effet, les gardes, s’imaginant que le couloir était plein d’ennemis invisibles, avaient d’instinct fait feu dans le boyau noir… Et ce fut la lueur même de l’arquebusade qui leur montra ce corridor vide, à l’instant où ils étaient attaqués à droite, à gauche, derrière, par les hallebardes des révoltés.
    Les arquebuses déchargées, les gardes se trouvaient désarmés, car il fallait près de deux minutes pour recharger, et d’ailleurs ils n’avaient pas les

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