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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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large bouche de Croasse. Ayant escaladé une haie, ils se mirent à chercher le déjeuner attendu. Il y avait du raisin, mais il n’était pas mûr. En revanche, les prunes ne demandaient qu’à être cueillies. Picouic en remplit son bonnet, s’assit dans l’herbe humide de rosée, et se mit à dévorer.
    — Bien nous prend de ne pas avoir besoin d’échelle, dit Croasse qui, en effet, n’avait qu’à allonger le bras.
    Une fois qu’ils eurent par ce moyen primitif apaisé ou à peu près leur faim et leur soif :
    — Détalons, compère, dit Picouic. Car voici le plein jour, et nous ne tarderions pas à être surpris par les croquants qui étrillent dur quand ils s’en mêlent.
    Une heure plus tard, comme il faisait grand jour, que toutes les boutiques étaient ouvertes, et que les rues retentissaient des mille cris de marchands, coutume qui s’est perpétuée à travers les âges, les deux hères se trouvaient sur la place de Grève qui était la place populaire par excellence, toujours animée, soit par quelque marché, soit par quelque spectacle de baladins ou de pendaison.
    Il y avait foule comme d’habitude sur la place, foule d’autant plus nombreuse que les Parisiens, inquiets de leur audace, inquiets de savoir ce qu’allait enfin décider leur idole, le grand Henri de Guise, ne tenaient pas en place dans leur logis. De plus, il y avait dans l’Hôtel de Ville réunion permanente des nouveaux échevins qui venaient d’être désignés à l’élection. Croasse fut réjoui par la vue de ce nombreux populaire et s’écria :
    — Aujourd’hui, mon compère, nous allons remplir notre escarcelle.
    Mais Picouic remua tristement le bout de son nez pointu, ce qui voulait dire qu’il se défiait des bonnes dispositions d’une foule, qu’une bonne grillade de parpaillots eût réjouie plutôt que le spectacle de deux pauvres baladins… Pourtant, il n’en essaya pas moins d’attirer la bienveillante attention des bourgeois, et mettant ses deux mains autour de sa bouche, il imita une fanfare de trompettes, talent qu’il avait longuement cultivé et dans lequel il excellait. Cependant, Croasse entonnait à pleins poumons une chanson guisarde où Henri III était traité de la belle façon et qui, faisant allusion à la manie qu’avait le roi de processionner à tout propos, commençait par ce quatrain :
    Après avoir pillé la France
    Et tout son peuple dépouillé,
    N’est-ce pas belle pénitence
    De se couvrir d’un sac mouillé ?
    Grâce au talent de Picouic ou à l’étrange voix de Croasse, ou grâce à la cacophonie qui résultait de ces deux voies unies, un cercle se forma aussitôt autour des deux hères. Leur maigreur, l’exorbitante longueur de leurs grands corps étaient déjà un spectacle, et comme, d’ailleurs, la chanson de Croasse était parfaitement orthodoxe, il n’en fallut pas davantage pour exciter la curiosité des badauds.
    — Bourgeoises, demoiselles, marquis et princes, s’écria alors Picouic de sa voix de fausset, j’arrive en droite ligne du royaume des Turcs et des Maures, et je me rends tout de ce pas chez Sa Majesté le roi des Espagnes qui m’attend ainsi que toute sa cour ! A la demande universelle des Parisiens, j’ai consenti à m’arrêter un jour dans cette illustre ville ! (Ici, un coup de trompette parfaitement imité.) Et pourquoi, me direz-vous, t’es-tu arrêté, toi qui parles, dans notre illustre ville de Paris ? D’abord, vous répondrai-je, pour avoir l’honneur de contempler de près le grand homme dont la renommée est parvenue jusqu’au fond des déserts où je vivais ! Ayant ainsi parlé, ai-je besoin de nommer Son Altesse le duc de Guise ? (Coup de trompette et acclamation des badauds.) Ensuite, ayant rempli ce devoir, pour vous montrer un être fabuleux, dont nul ne soupçonnait l’existence avant que je l’eusse découvert au fond des déserts de l’Arabie ! Cet être ressemble à un homme ! Il a un nez, des yeux, une bouche, comme père et mère, mais ne vous y fiez pas ! C’est un animal d’espèce inconnue que je vous présente ici ! (Picouic saisit Croasse effaré par le cou.) Cet animal, nobles demoiselles et magnifiques bourgeois, possède une incomparable qualité ! (Coup de trompette.) Il ne mange ni pain, ni viande, ni poulet, ni poire tapée, ni fruit d’aucune sorte, ni quoi que ce soit de la nourriture humaine ! Il ne mange même pas du parpaillot ! (Rires et applaudissements.) Mais alors,

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