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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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publique :
    — Pitié, miséricorde et charité, pour mon pauvre compagnon d’armes aveuglé par un coup d’arquebuse en plein visage à la bataille de Vimory [19] en combattant près du grand Henri de Guise ! Charité pour moi-même à qui un infâme parpaillot de Navarre trancha le bras d’un coup d’estramaçon à la bataille de Coutras [20]  !
    — Tu me fends le cœur ! disait Croasse qui, avec son imagination dénivelée et déréglée, en arrivait rapidement à croire qu’il s’était battu à Vimory.
    — Hélas ! glapissait Picouic, faudra-t-il que deux fidèles soutiens, deux braves soldats du grand Henri en soient réduits à mourir de faim ! Devrai-je manger le bras qui me reste ?
    Croasse pleurait. Picouic poussait des cris à croire que tous les mendiants de la ville le suivaient en bande. Mais soit que les gens fussent trop inquiets de leur propre sort en ces journées de trouble et d’angoisse, soit qu’ils fussent habitués à de nombreux spectacles de ce genre, ils faisaient la sourde oreille.
    A midi, les deux infortunés hercules de Belgodère n’avaient encore récolté que quelques « Allez en paix !… », nourriture peu substantielle. Vers le soir seulement, à demi morts de faim, épuisés de fatigue, et alors que le désespoir commençait à leur faire tourner la tête, ils eurent coup sur coup trois oboles, deux liards, un pain d’orge et deux oignons crus. Les trois oboles et les deux liards assuraient tant bien que mal le déjeuner du lendemain matin. Les oignons et le pain furent dévorés avec délices. Mais lorsque ce repas fut terminé au pied de la borne contre laquelle ils s’étaient assis, ils s’aperçurent qu’ils n’étaient plus que deux : Pipeau avait filé !…
    — L’ingrat ! dit Croasse en songeant avec un soupir à la moitié de poulet qu’il avait superbement octroyée la veille au chien.
    La journée du lendemain fut pour les deux gueux aussi néfaste que celle qui venait de s’écouler. Au bout de trois jours de cette existence, Picouic comprit qu’il était sous le coup de quelque horrible fatalité et qu’il était destiné à mourir de faim. Il n’était plus que l’ombre de lui-même. Quant à Croasse, il semblait s’être allongé encore d’un bon pied.
    Le soir du quatrième jour, ayant erré, imploré, ayant essayé vainement de donner un spectacle de lutte, plus vainement encore tenté de dévaliser un étalage, les deux hères, fourbus, harassés, n’en pouvant plus de misère et de désespoir, parvinrent près de la porte Montmartre, au moment où elle allait se fermer, et, comme Paris leur faisait horreur, ils sortirent dans la campagne, s’assirent au pied d’un chêne et pleurèrent. Ou, du moins, Croasse pleura pour deux. Son immense corps réduit à l’état de loque s’allongeait au pied de l’arbre et, tandis que ses mains osseuses fourrageaient dans l’herbe, il laissait couler de grosses larmes sur ses joues creuses.
    Quant à Picouic, ses lèvres minces serrées, il remuait tristement le bout de son nez pointu, tandis que ses petits yeux durs et fixes cherchaient, cherchaient toujours.
    — Un gland, fit-il tout à coup.
    — Deux, trois, dix glands, dit Croasse ranimé.
    Il y avait en effet pleine glandée sous le chêne. Ils se mirent à dévorer !…
    — Cela ressemble à des noisettes, disait Croasse.
    — Après tout, disait Picouic, c’est avec des glands qu’on nourrit les pourceaux. Or, qu’y a-t-il au monde de plus gras et de santé plus florissante qu’un pourceau ?
    — N’importe ! Il est bien triste que des gens comme nous se nourrissent de glands, reprenait Croasse tout en mastiquant avec frénésie.
    — Tu fus toujours trop délicat. A partir d’aujourd’hui, je ne veux plus manger que des glands, ripostait Picouic.
    — Le fait est que je suis délicat, moi.
    La faim aux dents aiguës finit par laisser quelque répit aux deux hères. Leur cerveau put se remettre à parler, dès lors que leur estomac commença à se taire. Et Picouic, désignant à son compagnon les hauteurs de Montmartre, s’écria :
    — Dire que nous étions si heureux, il y a si peu de temps encore ! Qui nous eût dit que la famine allait bientôt nous talonner, le jour où, ayant trouvé des maîtres généreux et riches, nous les escortions gaiement vers l’abbaye de Montmartre !…
    Croasse, à ce mot, se redressa, et s’appliqua sur le crâne un maître coup de poing.
    — L’abbaye de

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