La Fausta
avec ses élus. Mais tenez pour certain que je suis l’Envoyée, celle à qui Dieu a donné mission de rétablir son autorité sur ce bas monde.
Qui sait s’ils n’étaient pas aussi illuminés l’un que l’autre ? Qui sait la part d’ambition et d’astuce et la part de croyances qui entraient en composition pour produire cet être exceptionnel, ce phénomène : la Fausta ?
— Qui donc êtes-vous alors ? demanda le moine.
— Je suis votre souveraine pontificale ! répondit Fausta avec un irrésistible accent d’autorité. Je suis celle que le conclave secret a élue pour combattre la faiblesse et l’astuce impie de Sixte, et qui est venue en France pour abattre l’hérésie.
— Souveraine pontificale, murmura Jacques Clément. Le Révérend Père Bourgoing m’avait bien parlé à mots couverts de cet étrange événement. Mais je le mettais au rang des fables…
— L’apparition de l’ange est-elle une fable ? Cesse de douter, moine ! humilie ton front devant la sainteté de Fausta I re comme Fausta humilie son front devant la gloire du Très-Haut… Tu es venu ici chercher une absolution. Cette dextre seule peut la verser sur la tête. Parle donc sans crainte, sans orgueil ni faiblesse. Et afin que tu n’aies plus aucun doute sur tes destinées et les miennes, regarde…
En même temps, Fausta décrocha vivement le poignard qu’elle portait à la ceinture et le jeta devant le moine toujours agenouillé. Celui-ci le saisit en frissonnant et l’examina avec un indicible étonnement.
— Est-ce bien le même ? demanda Fausta.
— Oui, répondit sourdement Jacques Clément, c’est bien le même poignard que j’ai reçu, et je vois maintenant que vous êtes en communication avec l’ange…
A ce moment, avec une soudaineté foudroyante, les ténèbres se firent autour de Jacques Clément. Il ne vit plus ni Fausta ni rien de ce qui l’entourait. Et cette horreur sacrée qu’il avait éprouvée dans la chapelle des jacobins s’empara de lui, lorsqu’une clarté très douce illumina peu à peu le fond de la pièce, et que dans cette clarté, il vit surgir l’ange… Comme la première fois, cet ange avait les traits de la duchesse de Montpensier. Jacques Clément tendit ses bras éperdus vers cette apparition. Soudain, l’ange se rapprocha de lui, se pencha et murmura :
— C’est aujourd’hui, Jacques Clément que tu vas savoir par quelles routes tu iras à l’immortalité, à ma gloire céleste… et au bonheur terrestre. La souveraine pontificale est chargée de t’instruire, … Ecoute-la…
Aussitôt, l’ange se recula vivement, et il sembla au moine que cet être s’évaporait. La lumière, de nouveau, inonda la pièce, et hors de lui, les cheveux hérissés, le moine se relevant d’un bond se précipita vers le point où l’ange s’était montré. Mais il ne vit qu’une tapisserie qui recouvrait un pan de muraille.
La pensée d’une supercherie ne pouvait venir au moine. Mais cette pensée même lui fût-elle venue qu’il eût dû se rendre à l’évidence : derrière la tapisserie qu’il souleva, il n’y avait aucune issue.
— Au nom du ciel, madame, s’écria-t-il en essuyant la sueur froide qui couvrait son visage, n’avez-vous rien vu dans cette pièce pendant que s’est faite l’obscurité ?
— Sire moine, revenez à vous, je vous prie… la lumière n’a pas cessé de briller.
— Quoi ! cette pièce n’a pas été un instant plongée dans les ténèbres ?
— En aucune façon…
— Et vous n ‘avez pas vu un corps aérien, là, devant cette tapisserie ?…
— Je n’ai vu que vous, sire moine…
— Que Dieu me conserve la raison ! reprit Jacques Clément.
— Croyez-moi, sire moine, Dieu vous conservera la raison tant que vous mettrez cette raison à son service.
— Que faut-il donc que je fasse ?… s’écria le jeune moine.
Et se rappelant tout à coup les paroles de l’ange, il se remit à genoux devant Fausta, baissa son front jusqu’au plancher et, ainsi prosterné, murmura :
— Vous êtes la souveraine pontificale, je le sais, je le vois, je le crois. Ayez pitié de moi…
Fausta laissa tomber un long regard sur le moine prosterné à ses pieds. Mais ce n’était pas de la pitié que Jacques Clément eût pu lire dans ce regard, s’il l’eût surpris : c’était une froide résolution.
— Ce n’est pas de la pitié qu’il faut avoir pour vous, dit-elle avec cet accent d’autorité qui lui
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