La fée Morgane
de Morgane, mais, de
l’autre, ils ne pouvaient se défendre d’une grande admiration pour Lanval qu’ils
jugeaient incapable d’avoir tenté d’accomplir un tel méfait. Plusieurs
cependant furent d’avis de châtier durement l’accusé selon le vœu du roi. C’est
alors que le duc de Cornouailles, un homme sage et avisé, se leva et prit la
parole : « Seigneurs, dit-il, on peut être sûr qu’il n’y aura jamais
fourberie de notre part. Le roi a parlé contre un de ses vassaux. Il l’a accusé
de félonie, surtout à cause d’un méchant propos dont il s’est vanté, ce qui a
fort courroucé la reine Morgane. Qu’en est-il de tout cela ? Nous n’étions
point présents quand cela s’est passé, et nous ne savons pas si Lanval a
réellement sollicité la reine Morgane de lui accorder son amour, mais il est un
fait, qui demeure et qui peut être vérifié. Lanval s’est vanté, nous dit-on, d’avoir
une amie qui surpasse en beauté toutes les dames de la cour, en particulier les
reines Guenièvre et Morgane. Il appartient donc à Lanval de nous prouver ses
dires en faisant venir devant nous son amie. Nous serons alors à même de juger
son propos. Mais qu’il sache que s’il ne peut pas avancer ses preuves, il
perdra tout droit de servir le roi et devra se tenir pour congédié et exilé en
quelque pays étranger. »
La proposition du duc de Cornouailles plut à chacun des assistants.
On envoya quelqu’un auprès de Lanval pour le presser de faire venir son amie
afin de se justifier et de se garantir. Il lui répondit : « Hélas !
Je ne le puis parce que j’ai désobéi à ses ordres. Je ne peux plus attendre
aucune aide de sa part. » Le messager rendit compte de cette réponse :
Lanval renonçait à se défendre. Le roi Arthur les invita alors à prendre une
décision. Morgane ne pouvait plus attendre et son honneur était en jeu. Les
vassaux d’Arthur et d’Uryen se trouvaient ainsi fort embarrassés. Tout laissait
entendre que Lanval était innocent, mais la colère des deux rois était telle qu’ils
étaient obligés de la prendre en compte. Et comme ils ne pouvaient plus
différer leur jugement, ils convinrent entre eux que Lanval devait être banni
du royaume.
Comme ils allaient vers Arthur pour lui faire part de leurs
conclusions, on vit venir deux jeunes filles sur deux palefrois, simplement
vêtues d’une robe rouge sur leur chair nue. Tous les regardèrent avec intérêt
et surprise. Yvain, suivi de trois chevaliers, s’en vint raconter à Lanval l’arrivée
des deux jeunes filles et le pria de lui dire si l’une d’elles était son amie. Lanval
les regarda attentivement et répondit : « Je ne sais qui elles sont, ni
où elles vont, ni d’où elles viennent. »
Cependant, les jeunes filles, toujours à cheval, s’avancèrent
jusqu’à la chaire où avait pris place le roi Arthur. Alors, elles descendirent
et le saluèrent : « Que Dieu qui fit l’ombre et la lumière sauve et
garde Arthur, roi de l’île de Bretagne ! Roi, fais préparer des chambres, fais-les
orner de tapisseries et de soieries afin que notre dame puisse y être à son
aise : car elle désire être hébergée dans ton hôtel. » Arthur leur
répondit favorablement. Il appela deux chevaliers qui les firent monter vers
les chambres. Mais, elles ne dirent rien de plus.
Le roi se retourna vers les barons afin de leur demander la
sentence qu’ils proposaient. L’un d’eux allait prendre la parole quand
apparurent deux autres jeunes filles aussi belles que les deux premières, mais
vêtues de soie blanche et montées sur deux mules espagnoles. Tous les
assistants eurent les yeux fixés sur elles, et ils en eurent grande joie. Ils
se dirent entre eux qu’on pouvait maintenant considérer que Lanval était sauvé.
Yvain alla vers lui et lui dit : « Seigneur, sois heureux ! Pour
l’amour de Dieu, réponds-nous : voici venir deux jeunes femmes très belles
et très bien parées. Laquelle des deux est ton amie ? » Mais Lanval, après
les avoir regardées attentivement, lui répondit qu’il ne les connaissait pas et
qu’elles ne l’intéressaient nullement.
Cependant, les jeunes filles étaient arrivées devant le roi.
Elles descendirent de leurs montures, saluèrent gracieusement le roi et dirent :
« Roi Arthur, fais préparer un grand festin pour honorer notre dame, car
elle vient ici pour te parler. » Arthur commanda qu’elles fussent menées
vers celles qui étaient
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