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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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ce
moment la Table Ronde, pas un seul ne manquait, d’où la liesse des familiers et
des étrangers. La nouvelle arriva aux oreilles du roi. « Seigneur, lui dit
un chevalier, c’est merveilleux à voir ! – Quoi donc ? demanda le roi.
– Tous les compagnons de la Table Ronde sont venus au jour fixé et il n’en
manque pas un ! – Certes, dit le roi, mais si Lancelot n’était pas venu, les
douze qui manquaient encore hier n’y seraient pas non plus. J’en suis heureux :
je crois que jamais je ne les ai vus aussi nombreux. »
    Les barons échangèrent de nombreux propos à ce sujet. Lancelot,
qui était assis près du Siège Périlleux, y remarqua une inscription qui
paraissait toute récente. Il put lire ces lettres : « C’est en ce
jour que doit mourir Brumant l’Orgueilleux, et s’il ne meurt pas, cela signifie
que Merlin a menti dans ses prophéties. » Lancelot appela alors les clercs
et leur fit lire l’inscription. Ensuite, il leur demanda quelle pouvait en être
l’explication. « Seigneur, répondirent-ils, voici une aventure peu
ordinaire. N’en parle à personne pour le moment, car tu vas assister aujourd’hui
à une chose peu banale. Cette inscription, sache-le, a sans doute été faite
aujourd’hui même. – Je n’en dirai donc rien puisque vous me le conseillez. »
    Quand les barons se furent restaurés et qu’on s’apprêtait à
enlever les nappes, on vit entrer un chevalier en armes blanches qui avait
laissé sa monture tout en bas, dans la cour. Il se dirigea vers le roi et lui
dit : « Seigneur, je suis venu pour mourir ou pour vivre. J’ignore
encore ce qui m’arrivera, mais il faut que j’accomplisse l’épreuve. – Seigneur
chevalier, répondit Arthur, je regretterais que ce fût pour mourir. Je t’en
dissuaderais, comme tout homme présent ici le ferait, à moins que tu n’aies
mérité d’en réchapper sans mourir. » Le chevalier ôta alors son heaume, son
haubert et toutes ses armes. Les barons le trouvèrent si beau et si bien fait
qu’ils pensèrent que c’était un très haut personnage. Mais lui, pleurait
amèrement, comme s’il avait sous les yeux tout un monde frappé de tristesse et
de mort. Le roi eut pitié de lui et lui demanda pourquoi il pleurait ainsi.
« Parce que je pense que l’heure de ma mort est proche », répondit le
chevalier.
    Il fit le tour de la grande table, passant parmi tous ceux
qui y étaient assis, et alla jusqu’au dernier siège, toujours vide, qu’on
appelait le Siège Périlleux. « Lancelot ! s’écria-t-il dès qu’il aperçut
le fils du roi Ban, il me faut mourir pour accomplir l’acte que tu n’as jamais
osé faire toi-même. Je vais m’asseoir sur ce siège où tu n’as pas eu le courage
de prendre place ! » Il s’assit, ce que personne n’avait jamais fait
sans douleur, tira une lettre de son vêtement et la tendit à Lancelot. « Prends
cette lettre, Lancelot, dit-il, et si je meurs sur ce siège, lis-la tout haut
en présence de tous ceux qui sont ici. Qu’ils sachent qui je suis et de quel lignage
je suis issu. Si je m’en tire sain et sauf, je sais que tu me la rendras
volontiers. »
    Lancelot prit la lettre. Tous se disaient qu’il fallait
faire montre d’une grande audace pour s’asseoir ainsi sur le Siège Périlleux. Mais,
bientôt, ils l’entendirent s’écrier : « Ah ! Dieu ! je
meurs ! Ah ! Lancelot, ta prouesse ne sert à rien ! Tu n’es pas
celui qui achèvera les aventures. Si tu l’étais, tu pourrais me tirer du
gouffre où la mort m’entraîne ! » Il criait et endurait des
souffrances si atroces que chacun en fut épouvanté. Alors, on vit tomber du
ciel un feu si violent et si foudroyant qu’on ne sut pas qui l’avait déchaîné. Ce
feu s’abattit sur le chevalier qui fut en un instant brûlé et consumé. Chose
étonnante, on ne retrouva de son corps ni chair ni os. Et tandis qu’il se
consumait, il continuait à crier : « Hélas, roi Arthur ! L’orgueil
ne peut rapporter que la honte, et je m’en suis bien aperçu, car, pour aspirer
à ce qui m’était interdit, je meurs dans des conditions abominables. Jamais
homme ne connut un châtiment comme le mien, et je croyais cependant ne pas l’avoir
mérité ! »
    À peine eut-il prononcé ces paroles qu’on ne vit plus de lui
que cendres. Il s’exhalait de là une odeur affreuse et tous les compagnons
étaient incommodés. Beaucoup furent inquiets en voyant le chevalier en proie

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