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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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et elle s’élança à travers les landes. Seul sur les rochers rouges qui
dominaient le Val sans Retour, Lancelot demeura longtemps immobile [6] .

2

Notre-Dame de la Nuit
    Il y avait autrefois dans l’île de Bretagne un roi qui
portait le nom de Pwyll [7] . Il régnait sur le pays
qu’on appelle Dyved [8]  ; et son territoire
était partagé entre sept cantons [9] qu’il avait confiés à des
vassaux de haute valeur, qui savaient rendre la justice et ne toléraient aucun
manquement à la coutume. Pwyll, roi de Dyved, avait la réputation d’être un
prince intègre, insensible à toutes les formes de flagornerie, et désireux de
procurer le meilleur sort possible à ceux dont Dieu lui avait confié la charge
en ce monde. Depuis bien longtemps, et de sa propre volonté, il avait reconnu
le roi Arthur comme chef suprême de l’île de Bretagne, mais on ne l’avait
jamais vu à la cour : il n’avait en effet jamais désiré faire partie des
compagnons de la Table Ronde, préférant demeurer dans ses États pour mieux les
gouverner et en assurer la prospérité.
    Un jour qu’il résidait à Arberth, sa principale forteresse, il
prit fantaisie à Pwyll d’aller à la chasse dans un endroit qu’il aimait
particulièrement, le Vallon rouge, situé près d’une grande forêt riche en gibier
de toute sorte et à l’embouchure d’une belle et large rivière poissonneuse. Le
lendemain, à la pointe du jour, Pwyll se leva, se vêtit et se prépara, choisissant
soigneusement ses armes de chasse ; et il se rendit au Vallon rouge pour y
lancer ses chiens sous les arbres de la forêt. Un de ses serviteurs sonna du
cor afin de rassembler tous ceux qui participaient à la chasse. Le roi s’élança
à la suite de ses chiens qui, en aboyant, s’étaient engagés à travers les
fourrés. Mais les chiens l’entraînèrent si loin qu’il perdit bientôt la trace
de ses compagnons.
    Comme il prêtait l’oreille à leurs aboiements qui
résonnaient dans les sous-bois, il entendit ceux d’une autre meute. Le bruit n’était
pas du tout le même, et il comprit que cette meute s’avançait à la rencontre de
la sienne. Une clairière s’offrit alors à son regard, et quand sa meute y
apparut, Pwyll aperçut un cerf qui fuyait, pourchassé par l’autre chasse. Le
cerf arrivait exactement au milieu de la clairière lorsque la meute qui le
poursuivait le rejoignit et le terrassa. Pwyll se prit à admirer la couleur de
ces chiens, sans songer davantage au cerf : jamais il n’avait vu pareille
allure à aucun chien de chasse au monde. Ils étaient d’un blanc éclatant et
lustré et avaient les oreilles rouges, d’un rouge aussi luisant et éclatant que
leur blancheur. Pwyll s’avança vers eux, chassa la meute qui avait tué le cerf
et appela ses propres bêtes à la curée. À ce moment, il vit venir à lui un chevalier
monté sur un grand cheval gris, un cor passé autour du cou, portant un habit de
chasse de laine grise.
    Le chevalier s’arrêta devant Pwyll et lui parla ainsi :
« Je ne sais qui tu es et ne te saluerai pas ! » Pwyll lui répondit :
« Peut-être es-tu d’un rang qui t’en dispense ? – Ce n’est certes pas
l’importance de mon rang qui m’empêche de le faire, répondit l’inconnu. – Alors,
dis-moi, seigneur, pourquoi cet affront ? – Par Dieu tout-puissant, la
seule cause réside en ton impolitesse et ton manque de courtoisie ! »
Pwyll, tout étonné de cette réponse, poursuivit : « Je voudrais bien
savoir, seigneur, quelle impolitesse et quel manque de courtoisie tu as cru
remarquer en moi ! – Je n’ai jamais vu personne agir comme tu l’as fait en
chassant une meute qui a tué un cerf pour appeler sa propre meute pour la curée !
C’est un manquement grave à la courtoisie. Et quand bien même je ne me
vengerais pas d’un tel affront, par Dieu tout-puissant, je m’engage à te faire
mauvaise réputation pour la valeur de cent cerfs ! »
    Pwyll se sentit soudain fort mal à l’aise : « Si je
t’ai fait si grand tort, comme tu dis, je m’efforcerai de racheter ma faute. – De
quelle manière t’y prendras-tu ? – Selon la coutume du pays, et selon le
rang que tu occupes. Mais je ne sais pas qui tu es. – Je suis roi couronné dans
mon pays d’origine. – Seigneur, bonjour à toi et prospérité sur ton peuple !
Mais de quel pays es-tu ? – Du pays que l’on nomme Announ [10]  :
je suis Arawn, roi d’Announ. – De quelle façon,

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