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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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seigneur, penses-tu que je pourrais
obtenir ton pardon et gagner ton amitié ? – Je vais te le dire. Un homme
occupe des domaines situés face aux miens. Il me fait continuellement la guerre :
c’est Hafgan, qui prétend vouloir régner sur l’ensemble du pays d’Announ. Si tu
me débarrasses de ce fléau, et je pense que tu le pourras facilement, tu répareras
le tort que tu m’as causé et tu gagneras mon amitié. – Je le ferai volontiers, dit
Pwyll. Indique-moi seulement comment y parvenir. »
    Arawn, qui se disait roi d’Announ, parla alors ainsi à Pwyll :
« Je vais te le dire. Je vais lier avec toi amitié
sans restriction [11] . Je te mettrai à ma
place en Announ. Je te donnerai chaque nuit la femme la plus belle que tu aies
jamais vue. Je ferai aussi en sorte que tu aies ma figure et mon aspect, pour
que ni valet, ni officier, ni personne parmi ceux qui m’ont toujours servi, puisse
douter un instant que tu n’es pas moi. Et cela à partir de demain jusqu’à la
fin de cette année. Nous nous rencontrerons alors à cette date, à l’endroit
même où nous sommes aujourd’hui.
    — Fort bien, dit Pwyll, mais comment saurai-je que je
dois combattre l’homme que tu dis, à la date et à l’endroit précis que tu veux ?
– Le combat aura lieu dans sept mois très exactement, à la tombée de la nuit, sur
un gué que mes gens t’indiqueront. Tu y seras sous mon aspect et il ne s’apercevra
de rien. Tu lui donneras un coup de lance, mais un seul, retiens bien cela. Car
il te demandera de le frapper une seconde fois, et te suppliera même de le
faire. Il faudra que tu refuses obstinément. Moi, j’ai eu beau le frapper, il
est toujours revenu le lendemain se battre contre moi, avec encore plus d’arrogance
et de force. – Fort bien, dit Pwyll, mais qui s’occupera de mes domaines
pendant que je serai absent ? – Ne t’inquiète de rien, dit Arawn. Je pourvoirai
à ce qu’il n’y ait dans tes États ni homme ni femme qui puissent soupçonner que
c’est moi qui ai pris ta place. Je prendrai ton aspect et j’agirai comme
toi-même. – Dans ces conditions, dit Pwyll, j’accepte volontiers ton amitié sans restriction , et suis prêt à partir
immédiatement. – Le voyage ne sera ni long, ni pénible. Rien ne te fera
obstacle jusqu’à ce que tu arrives dans mes États, car je serai ton guide. »
    Arawn conduisit Pwyll à travers la forêt jusqu’à un lieu où
s’étendait une grande plaine drainée par d’abondantes rivières. Dans les prairies,
de nombreux troupeaux paissaient, et d’agréables forteresses se dressaient çà
et là, agrémentées de vergers qui semblaient produire de beaux fruits. Arawn
désigna l’une d’elles à son compagnon et dit : « C’est ici que se
trouve ma cour, avec toutes les habitations qui en dépendent. Je remets ma cour
et mes domaines entre tes mains, et je vais te laisser. Poursuis hardiment ton
chemin et entre dans ma forteresse. Il n’y a personne qui puisse hésiter un
seul instant à te reconnaître comme étant moi-même. À la façon dont tu verras
le service se faire, tu apprendras les manières de la cour. » Et, sans
ajouter une parole, Arawn partit au grand galop de son cheval, laissant Pwyll
en face de domaines dont il ignorait tout.
    Il se dirigea vers la forteresse qui lui avait été désignée
et y ayant pénétré, il aperçut des chambres à coucher, des salles, des
appartements avec les décorations les plus somptueuses qui fussent. Des écuyers
et de jeunes valets accoururent vers lui et s’empressèrent de le désarmer. Chacun
d’eux le saluait lorsqu’il s’approchait de lui. Deux chevaliers vinrent le
débarrasser de ses vêtements de chasse et le revêtir d’un habit de soie brochée
d’or. Dans la grande salle, tout était prêt. Pwyll vit entrer la famille, la
suite, la troupe la plus belle et la mieux équipée qui se fût jamais vue, et, avec
eux, la reine, la plus belle femme du monde, vêtue également d’une robe de soie
brochée d’or d’un raffinement surprenant. On corna l’eau et l’on se mit à table.
    Pwyll avait la reine à sa droite et un homme, qui devait
être comte, à sa gauche. Il commença à converser avec la reine, et il jugea, à
entendre ce qu’elle disait, que c’était bien la femme la plus avisée, la plus
noble de caractère et la plus agréable de langage qu’il eût jamais côtoyée. Tous
les convives eurent à souhait mets et boissons, musique et récitation de

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