La fée Morgane
l’entrée de la forteresse d’Arianrod.
Gwyzion avait pris un visage plus grave que celui de son compagnon. « Portier,
dit-il, va annoncer qu’il y a ici des bardes de Glamorgan. » Le portier
obéit et alla trouver Arianrod. « Par Dieu tout-puissant, dit-elle, qu’ils
soient les bienvenus dans ma demeure. Laisse-les entrer. »
On leur fit le meilleur accueil. La salle fut préparée, et l’on
se mit à table. Quand on eut fini de manger, Arianrod engagea la conversation
avec Gwyzion, et celui-ci ne fut pas avare de contes et d’histoires de toutes
sortes. Arianrod se réjouit fort de cette compagnie. Quand ce fut le moment de
cesser de boire, on leur prépara une chambre et ils allèrent se coucher. Cependant,
Gwyzion se leva de grand matin et appela à lui sa magie et son pouvoir. C’est
alors qu’on entendit un grand bruit de trompettes auxquelles répondaient de
nombreux cris dans la campagne, aux alentours. Et une foule de navires fit son
apparition sur la mer, devant la forteresse.
Gwyzion s’était recouché et faisait semblant de dormir. Un
peu plus tard, il entendit frapper à la porte de la chambre et Arianrod demanda
qu’on lui ouvrît. Ce fut le jeune homme qui se leva et Arianrod entra, suivie d’une
de ses servantes. « Gentilshommes, dit-elle, nous sommes dans une mauvaise
situation. – En effet, répondirent-ils, nous entendons le son des trompettes et
les cris dans la campagne. Que se passe-t-il donc ? – En vérité, dit Arianrod,
il est impossible de voir les flots, tellement les navires sont serrés les uns
contre les autres. Ils se dirigent vers la terre de toute la vitesse du vent. Je
ne sais plus que faire. – Princesse, répondit Gwyzion, il n’y a pas d’autre
solution que de nous enfermer dans la forteresse et de la défendre du mieux que
nous pourrons. – Dieu vous le rende. Défendez-la. Vous trouverez ici des armes
en abondance. »
Elle sortit pour aller chercher des armes, et revint bientôt
avec deux jeunes filles qui portaient chacune une armure. « Princesse, dit
Gwyzion, revêts cette armure à ce jeune homme. Pendant ce temps, je revêtirai l’autre
avec le secours de ces jeunes filles. Dépêchons-nous, car j’entends le tumulte
des ennemis qui arrivent. – Volontiers », répondit Arianrod. Elle revêtit
avec empressement le jeune homme d’une armure complète. « As-tu fini d’armer
ce jeune homme ? demanda Gwyzion. – C’est fait, répondit Arianrod. – J’en
ai terminé, moi aussi. C’est bien. Retirons maintenant ces armures, nous n’en
avons plus besoin. – Pourquoi cela ? demanda Arianrod avec le plus grand
étonnement. Vois la flotte autour de la forteresse ! – Non, femme, dit
Gwyzion en éclatant de rire, il n’y a pas le moindre navire autour de nous. »
Arianrod écouta attentivement autour d’elle et n’entendit aucun bruit. Elle
alla à la fenêtre et regarda au-dehors : elle ne vit rien d’autre sur la
mer que les vagues qui déferlaient doucement sur le rivage. « Que
signifiait toute cette levée ? » demanda-t-elle. Gwyzion avait du mal
à contenir son rire. « Femme, dit-il, c’était pour rompre le sort que tu
as jeté sur ce jeune homme : tu avais juré qu’il ne porterait aucune arme
que tu ne l’en aies toi-même revêtu ! » Et, à ces mots, il rendit
leur aspect naturel à Lleu et à lui-même. Arianrod faillit s’étrangler de
colère. « Par Dieu tout-puissant, s’écria-t-elle, tu as toujours été un
méchant homme, attaché à ma perte et à mon déshonneur ! Mais il se
pourrait que des jeunes gens perdissent la vie à cause de la levée que tu as
causée dans ce pays aujourd’hui. En tout cas, je jure que ce jeune homme aura
pour destinée de n’avoir jamais une femme de la race qui peuple cette terre en
ce moment ! – En vérité, dit Gwyzion, tu as toujours été une femme de rien,
que personne ne devrait soutenir ni protéger. Je te jure, quant à moi, qu’il
aura une femme en dépit du maléfice que tu viens de jeter sur lui ! »
Gwyzion et Lleu se rendirent auprès de Math, fils de
Mathonwy, à Kaer Dathyl. Ils se plaignirent de la méchanceté d’Arianrod avec la
plus grande insistance. Gwyzion expliqua à son oncle comment il avait réussi à
faire nommer Lleu par Arianrod, et à le faire armer par celle-ci. Mais il avoua
qu’il ne savait pas comment lever le dernier sortilège qu’Arianrod avait lancé
sur son fils.
« Voilà qui est bien ennuyeux, dit Math, car
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