Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Femme Celte

La Femme Celte

Titel: La Femme Celte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
Vom Netzwerk:
lance un javelot sur
lui. « Lleu s’envola sous la forme d’un oiseau en jetant un cri strident,
affreux, et on ne le revit plus. » Alors Blodeuwedd peut couler des jours
heureux auprès de Gronw Pebyr. Mais Gwyddyon parcourt tout le pays à la
recherche de Lleu. Un jour, suivant une truie dont le comportement est bizarre,
il parvient sous un arbre où un aigle est perché, laissant tomber, lorsqu’il se
secoue, des vers et de la nourriture que mange la truie. Gwyddyon comprend
qu’il s’agit de Lleu. Par ses incantations, il redonne forme humaine à son
neveu, le fait soigner et, une fois qu’il est guéri, l’emmène avec lui pour
accomplir la vengeance contre Gronw et Blodeuwedd. Gwyddyon part en avant.
Quand elle apprend la nouvelle, Blodeuwedd prend peur. « Avec ses
servantes, elle se dirigea, à travers la rivière Kynvael, vers une cour située
sur la montagne. Leur terreur était telle qu’elles ne pouvaient marcher qu’en
retournant la tête ; elles tombèrent ainsi dans l’eau sans le savoir, et
se noyèrent toutes à l’exception de Blodeuwedd. Gwyddyon l’atteignit alors, et
lui dit : Je ne te tuerai pas, je ferai pis. Je te laisserai aller sous la
forme d’un oiseau. Pour te punir de la honte que tu as faite à Lleu Llaw
Gyffes, tu n’oseras jamais montrer ta face à la lumière du jour, par crainte de
tous les autres oiseaux. Leur instinct les poussera à te frapper, à te traiter
avec mépris partout où ils te trouveront. Tu ne perdras pas ton nom, on
t’appellera toujours Blodeuwedd. On appelle en effet le hibou Blodeuwedd
aujourd’hui encore. C’est ainsi que le hibou est devenu un objet de haine pour
tous les oiseaux » (J. Loth, Mabinogion ,
I, 199-210 [217] ).
     
    Le premier élément de ce mythe de Blodeuwedd est celui de la
malédiction concernant Lleu, malédiction prononcée par sa mère sous forme de
tabou, de véritable geis irlandais, tel qu’il
était pratiqué par les anciens druides : Lleu n’aura pas de femme de la
race des hommes. Pourquoi cette étrange interdiction, surtout de la part d’une
mère ? N’oublions pas qu’Arianrod est un des visages de la Déesse-Mère.
Son fils est donc le premier être humain. Il est dans la situation d’Adam,
premier homme, né de la divinité. Il ne peut donc pas avoir de femme de la race
des hommes, puisqu’il représente à lui tout seul cette race des hommes.
D’ailleurs la divinité, qui ne peut être divinité qu’en s’opposant à la
non-divinité qui est la créature, n’a pas besoin qu’une autre créature vienne
brouiller l’entente – ou l’opposition, ce qui est rigoureusement identique –
entre elle et sa créature. La Déesse-Mère Arianrod se réserve jalousement Lleu,
son fils, qui sera aussi son amant. Là le mythe est analogue au mythe d’Ischtar
et de Tammuz, à celui de Cybèle et d’Attis, à celui d’Aphrodite et d’Adonis.
Une situation identique sera réalisée en projection idéale dans le couple
Marie-Jésus, dont la symbolisation la plus courante est la Madone à l’Enfant,
groupe plastique existant, rappelons-le, bien avant le christianisme.
    Le deuxième élément est la création de Blodeuwedd. Par leurs
charmes, et à partir des fleurs, c’est-à-dire de la nature en pleine évolution,
Math et Gwyddyon fabriquent Blodeuwedd. Math
est le maître de la magie, donc le metteur en œuvre des forces de la nature.
Mais comme il est blessé à la cuisse (= impuissant), c’est Gwyddyon qui se
substitue à lui en tant que démiurge et qui va
jouer le rôle du père. Il usurpe en fait les pouvoirs de son oncle et se trouve
dans l’exacte situation de Prométhée qui ravit le feu du ciel à Zeus et qui
crée Pandore, la première femme. On notera que dans la création de Pandore,
comme dans la création de Blodeuwedd, comme dans la création de la mystérieuse
Lilith sur laquelle nous reviendrons, la déesse-mère
ne joue plus aucun rôle  : c’est une création d’homme, de mâle,
c’est l’indice d’un mythe structuré dans le cadre d’une société masculine. En
fait le mâle veut ravir à la femme son pouvoir de création, parce que la femme,
par son indépendance et par son exclusivité de procréation, représente une
ennemie indocile qu’il faut essayer de faire plier à la loi paternelle. Dans la
création de Blodeuwedd, de Pandore et de Lilith il faut voir le symbole du
grand renversement qui a eu lieu dans une période lointaine et incertaine de
l’Antiquité

Weitere Kostenlose Bücher