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La Femme Celte

La Femme Celte

Titel: La Femme Celte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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ou de la préhistoire : le culte du dieu-père a remplacé le
culte de la déesse-mère, la société de structure masculine paternaliste a
remplacé la société de structure féminine gynécocratique. Et sur un plan encore
plus philosophique : la civilisation de la
Raison (qui construit, qui organise, qui divise, qui légifère, qui géométrise ) a remplacé la
civilisation de l’Instinct (essentiellement féminine, reposant sur la
sensibilité, l’affectivité, la sexualité). Math et Gwyddyon, en fabriquant
Blodeuwedd hors de l’utérus maternel, nient la sexualité et nient la femme
primitive, créant de toutes pièces une autre femme, formée à leur propre image
masculine. Désormais le Père a vaincu la Mère : il vient de modeler sa
fille selon ses propres désirs. Désormais la femme sera un objet manufacturé , que l’homme pourra posséder et
dont il pourra user selon son propre désir [218] .
    Le troisième élément est le mariage de Lleu et de Blodeuwedd.
Celle-ci a été créée dans ce but unique : servir de compagne à Lleu, comme
Lilith, puis Ève ont été créées dans le but unique de servir de compagne à
Adam. Elle est la projection fantasmatique de Lleu, son double narcissique, de
la même façon qu’Ève est l’image châtrée d’Adam. Blodeuwedd n’a donc pas eu à
choisir. Gwyddyon, c’est-à-dire le Père, le représentant de l’Ordre
paternaliste, l’a donnée à Lleu, à son fils. La situation de Lleu et de Blodeuwedd
est par conséquent identique à celle d’Adam et Ève. Gwyddyon et Math donnent un
territoire au jeune couple, une sorte de paradis terrestre éloigné de tout souci
et de toute pénurie. Blodeuwedd et Lleu pourraient être parfaitement heureux
mais selon la conception paternaliste du bonheur, c’est-à-dire dans le couple
familial : la famille est la cellule de base de cette société, alors
qu’autrefois c’était le « clan », ou ce qu’il est convenu d’appeler
ainsi, qui servait de cellule de base. Et cette famille est nécessairement
étroite, restreinte, puisqu’elle repose sur la monogamie et qu’elle peut se
borner à deux êtres, le mari et l’épouse. Il y a donc dans le mariage de Lleu
et de Blodeuwedd beaucoup plus qu’une simple anecdote, qu’un simple accident de
parcours : le mythe recouvre tout un ensemble de traditions concernant
l’établissement de la société de type paternaliste. Avant, la femme était
isolée : Arianrod, fille-mère dont les enfants sont élevés par les oncles
maternels, est un exemple concluant. Maintenant, il y a le couple.
    Le quatrième élément est la réaction de Blodeuwedd à l’égard
de cette situation donnée mais non acceptée. Il s’agit de la révolte de la Fille-Fleur . Refusant son
aliénation, Blodeuwedd revendique son droit à la liberté : elle choisit
son amant parce qu’elle l’aime. Le conflit entre l’Instinct et la Raison
devient aigu, mais Blodeuwedd, amoureuse de Gronw Pebyr, choisit l’Instinct
contre la Raison. Quant au fait que Gronw Pebyr signifie « le Jeune homme
fort », il symbolise admirablement la révolte de la jeune femme, cherchant
l’appui du jeune fils, pour se dresser contre l’autorité paternelle (Gwyddyon)
et contre ce qui en découle, l’autorité maritale (Lleu).
    Le cinquième élément est le meurtre de Lleu par les deux
amants. Il pourrait s’agir d’un banal fait divers, tellement répété dans
l’histoire de l’humanité qu’on n’ose même plus en parler. On a tort. La révolte
de la Fille-Fleur ne peut pas être absolue si elle ne va pas jusqu’à la mort du
mari. En admettant que Blodeuwedd et Gronw se fussent contentés de s’aimer en cachette
(Comme Tristan et Yseult, comme Lancelot et Guenièvre), ils auraient en quelque
sorte avalisé la société paternaliste qui les
aliénait en en respectant les structures dans le plus pur style du vaudeville
où l’on rit volontiers du cocu sans pour autant trouver qu’il est gênant.
Blodeuwedd et Gronw Pebyr se débarrassent de Lleu parce que le malheureux
représente, à son corps défendant, tous les tabous sociaux de la société paternaliste.
En vérité, ce n’est pas Lleu que les amants visent, mais à travers lui
l’autorité paternelle représentée par Gwyddyon. C’est Lleu qui est tué (ou
plutôt qui est occulté, car il ne meurt pas vraiment), mais c’est Gwyddyon qui
est bafoué. Ainsi s’explique d’ailleurs l’acharnement avec lequel Gwyddyon
essaie de

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