La Femme Celte
gallois. Un très curieux poème de la Myvyrian
Archaeology of Wales , qui est un dialogue entre Gwenhwyfar et Arthur
qu’elle n’a pas reconnu, présente un aspect inattendu de celle qui deviendra
l’amante de Lancelot. Son langage est rude, presque violent. Et surtout elle
fait l’éloge de Kai, sénéchal et demi-frère d’Arthur, ce qui n’est pas sans
évoquer des rapports ambigus entre Kai et elle [234] .
Tout le récit du Lancelot de Chrétien de
Troyes est rempli d’allusions à une possible entente sentimentale entre Gauvain
et elle. Gauvain est évidemment amoureux de sa tante et c’est pourquoi il part à
sa recherche vers le royaume de Gorre. Il est très probable que les auteurs
français, horriblement choqués par un amour possible entre Gauvain et Guenièvre
(il y avait pourtant Tristan et Yseult, mais heureusement le philtre arrangeait
tout) aient minimisé le rôle de Gauvain au profit de Lancelot, qui est une
création récente, même si elle repose sur une base celtique.
Cette hypothèse est appuyée sur des sculptures de la cathédrale
de Modène, en Italie, et sur plusieurs textes de la Table ronde. Nous apprenons
d’ailleurs grâce à ces textes et à ces sculptures que Guenièvre aurait eu des
relations coupables, non seulement avec Gauvain et Kai, mais aussi avec Yder
(l’Édern armoricain) fils de Nudd, avec un certain Mardoc, probablement le même
personnage que Méléagant et peut-être avec Galvariun, à moins que celui-ci ne
soit le doublet de Gauvain. Et quand on sait que, dans La Mort du Roi Arthur , les relations entre Guenièvre
et Mordret-Medrawt, neveu et fils d’Arthur, usurpateur du pouvoir et traître
aux Bretons, sont loin d’être claires, on est en droit de mettre en doute le
caractère romantique, ou plutôt romanesque, du personnage de la reine Guenièvre.
Mais examinons ces documents, car étant donné que Kai, Gauvain, Yder sont, dans
la tradition galloise, les plus anciens compagnons du roi Arthur, donc bien
avant que le cycle se répande sur le continent, ces documents sont probablement
les restes de la tradition archaïque arthurienne : d’où l’apparition du
vrai visage de Guenièvre.
L’archivolte du portail nord de la cathédrale de Modène présente
une série de sculptures dont l’intérêt est immense du fait qu’elles sont
accompagnées des noms des personnages gravés dans la pierre [235] .
On peut dater approximativement ces sculptures de la moitié du XII e siècle, et comme elles représentent une
anecdote qui ne se trouve pas dans Geoffroy de Monmouth, on est obligé de
conclure qu’il s’agit d’une tradition différente, sûrement transmise par des
Bretons armoricains puisque les noms ont tous une forme qui se réfère au
moyen-breton. Ces noms sont : Artus de Bretania , Isdernus, Che, Galvagnus, Galvariun, Burmaltus , Mardoc et Winlogée , c’est-à-dire Arthur de
Bretagne, Édern (ou Yder), Kai (ou Keu), Gauvain (ou Gwalchmai), Galvariun (ou
Gauvarien), Burmald, Mardoc et Guenièvre (à moins que ce ne soit vraiment un
autre nom de la reine). On comprend que la reine a été enlevée et qu’elle est retenue
dans une forteresse. Cette forteresse est défendue par le guerrier Mardoc. De
la bretèche du château sort au galop le chevalier Carados que combattent
Gauvain, Kai et Galvariun. Devant Arthur se trouve un valet armé d’un bâton
cornu et qui est Édern. Il est certain qu’il s’agit ici d’une version
différente de l’enlèvement de la reine par Méléagant (Maheloas ou Maelwas)
telle qu’elle est rapportée par Chrétien de Troyes dans son Chevalier la charrette [236] .
Mais nous retrouvons les personnages des sculptures de Modène dans un roman
français du XIII e siècle.
Le Roman de Durmart (roman courtois) : La reine a été enlevée par le Chevalier géant Carados
(probablement Caradoc Brief-Bras) qui l’a emmenée de force dans la Tour
Douloureuse dont le maître est Mardoc. Ce Mardoc aimait la reine depuis
longtemps. Cependant Arthur, Kai, Yder, Gauvain et Galvariun partent en
expédition pour délivrer la reine. La Tour Douloureuse est défendue par le
géant Burmald, mais une femme que Carados a enlevée auparavant remet à Gauvain
une épée magique qui, seule, peut tuer le géant. Gauvain tue le géant et
délivre la reine qui semble éprouver de l’amour à la fois pour Mardoc et pour
Gauvain (G. Paris, Les Romans de la Table ronde ,
p. 100 et suiv.).
L’épisode de la cathédrale
Weitere Kostenlose Bücher