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La Femme Celte

La Femme Celte

Titel: La Femme Celte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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débarrasser l’Ulster de trois
fléaux. Le premier fléau est Conganches mac Dedad, frère de Cûroi, qui ravage
le pays et contre qui les lances et les épées sont sans effet. Celtchar
s’arrange pour faire épouser à Conganches sa fille curieusement nommée Niam , c’est-à-dire « Ciel » (au sens
religieux, bret. arm. Neñv ). Niam s’arrange
pour savoir de son mari comment il pourrait être tué. Il répond :
« Il faut enfoncer des pointes rouges dans mes plantes de pied et dans mes
tibias [256]  ». On remarquera
la similitude entre cet épisode et celui où Blodeuwedd se fait révéler par son
époux Lleu Llaw Gyffes la façon dont il pourrait mourir.
    Ainsi Niam rapporte-t-elle les paroles de Conganches à son
père. Conganches est tué. Celtchar s’attaque au deuxième fléau qui est un chien
infernal qu’il réussit à tuer par ruse. Enfin, le troisième fléau, également un
chien redoutable, sera fatal à Celtchar. Il tue en effet le chien, mais en
retirant la lance du corps de l’animal et en la brandissant, « une goutte
du sang du chien roula sur la hampe de la lance et vint à travers lui jusqu’à
terre, si bien qu’il en mourut [257]  ».
    Le thème de la goutte de sang au bout de la lance apparaît
ici avec tant d’insistance qu’il n’est pas possible d’y voir une simple
coïncidence. Y a-t-il dans le « Cortège du Graal » un souvenir de
cette mystérieuse histoire de Celtchar, ou de toute autre histoire du même
genre ? Sûrement. Non seulement le thème du chien infernal, sorte de
Cerbère malfaisant qui se répand sur le pays des vivants pour le dévaster, fait
penser à la désolation du pays du Graal ravagé et stérile, mais le personnage
de Celtchar, blessé aux parties sexuelles et victime de sa propre lance à cause
d’une goutte de sang qui coule du bout de cette lance, n’est pas sans rapport
avec le Roi-Pêcheur, blessé au même endroit et qui fait présenter la fameuse
lance avec une goutte de sang à son extrémité, dans le cortège du Graal. Enfin,
il y a bien une histoire de vengeance à la base de la mésaventure de Celtchar,
et de vengeance sanglante , comme dans le Graal
primitif. Quant au nom de la fille de Celtchar, Niam ,
il en dit long sur les rapports qu’entretient Celtchar avec l’Autre Monde,
comme le Roi-Pêcheur, et il n’est pas impossible que la fille du roi, la
porteuse du Graal, qui deviendra plus tard dans la Quête cistercienne la mère de Galaad le sauveur, soit le même personnage mythologique
que cette Niam, fille de Celtchar.
    On serait également en droit de comparer l’histoire de Celtchar
avec celle d’Yspaddaden Penkawr, dans le récit gallois de Kulhwch et Olwen . Le jeune Kulhwch vient demander sa
fille en mariage à Yspaddaden. Celui-ci, trois fois de suite, lance sur Kulhwch
une sorte de lance, arme préhistorique en pierre [258] ,
qui, à chaque fois, grâce la présence d’esprit de Kulhwch et de ses compagnons,
est renvoyée sur l’expéditeur et le blesse cruellement. Il faut dire que le
personnage d’Yspaddaden « Grosse-Tête » a plus d’un rapport avec le
Roi-Pêcheur : il est le père d’une fille promise à de hautes
destinées ; il habite un château mystérieux dans l’Autre Monde ; sa
tête, qui sera finalement coupée, fait penser à certains aspects du Graal-Tête,
comme nous le verrons dans le récit de Peredur et dans des textes plus récents. De toute façon, comme pour toutes les armes
tranchantes et contondantes, le symbolisme sexuel mâle de cette lance n’est pas
à démontrer, et il est donc inutile d’y insister : dans l’esprit de
Chrétien de Troyes, c’est certainement l’arme qui a blessé le Roi-Pêcheur, et
il est normal de la voir figurer dans un cortège où sont en quelque sorte
exposés les instruments de la passion que subit en fait le Roi-Pêcheur, et à travers
lui, le royaume qu’il incarne, et qui est un royaume périssant.
    Le tailloir d’argent est certainement beaucoup plus intéressant,
encore qu’il s’explique mal ici. Mais nous verrons que les autres versions de
la légende le réintègrent dans son véritable rôle. Il serait bon, pour
l’instant, de nous en tenir au graal lui-même, puisque, après tout, cela semble
bien l’élément essentiel, ou du moins ressenti comme tel par les lecteurs du
récit de Perceval , par les continuateurs de
Chrétien de Troyes, et par tous les érudits qui n’ont guère cessé de
s’interroger sur ce

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