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La Femme Celte

La Femme Celte

Titel: La Femme Celte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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petit-fils le pressent d’aller au
plus vite chercher de l’eau. Il ne peut se dérober, mais il traîne, prend de
l’eau dans ses mains et s’arrange pour qu’elle s’écoule à travers ses doigts. À
la fin, son petit-fils Oscar le menace d’un combat singulier s’il tergiverse
plus longtemps. Alors Finn revient avec de l’eau, mais il est trop tard,
Diarmaid vient de mourir [388] . La fin de l’histoire
diffère selon les versions. Dans l’une d’elles, Oengus vient se lamenter sur la
mort de son fils adoptif et Grainné prévient les fils de Diarmaid qui engagent
une lutte sans merci contre Finn. Et Finn, abandonné par tous les Fiana , doit faire amende honorable pour la mort de
Diarmaid, mais parvient à décider Grainné à vivre avec lui. Selon une autre
version, Grainné, apprenant la mort de Diarmaid, meurt de douleur et est
enterrée dans le même tombeau que son amant [389] .
     
    De cette vaste fresque épique, dont les détails sont très souvent
communs avec la légende de Tristan et Yseult, se dégagent trois éléments
essentiels sur lesquels reposent les structures de l’épopée et qui nous aident
à découvrir le sens profond de la légende de Tristan. C’est d’abord ce que les
Irlandais appellent geis , mot à peu près
intraduisible et que l’on peut rendre médiocrement par « interdit »,
« tabou », « obligation magique et religieuse ». C’est
ensuite le rôle exceptionnel de la Femme dans cette histoire. Grainné étant la
véritable, meneuse du jeu, capable d’agir efficacement sur l’homme et d’opérer
en lui une transformation complète, psychologique et spirituelle : Grainné
est une initiatrice et une transformatrice . Enfin c’est le caractère solaire de Grainné, cet aspect indispensable, à la
fois recherché et redouté : Grainné est une sorte de déesse tyrannique , reine et maîtresse du Verger dans lequel
est parvenu l’homme. Ces trois éléments, qui se complètent et ne vont pas l’un
sans les autres, constituent la clef de l’histoire, et en définitive,
l’explication de tout le Mythe de la Femme chez les
Celtes . Aussi importe-t-il de les étudier minutieusement.
LE GEIS
    D’après tout ce que nous savons des pouvoirs des druides,
grâce aux textes épiques irlandais et aux différents codes de lois, le geis est d’abord, et avant tout, un moyen d’action
mis à la disposition du druide pour assurer son autorité personnelle et la
valeur de ses prescriptions. Dans une société théologique, et la société
celtique en est une, les pouvoirs de certains hommes privilégiés viennent des
dieux, les lois sont dictées par les dieux, tous les manquements à la Règle
sont sanctionnés par les dieux. On songera évidemment à l’usage de l’Interdit
et de l’Excommunication pendant le Moyen Âge chrétien, bien que la comparaison
ne soit pas strictement valable. On songera aussi à l’exemple de la religion
romaine, religion formelle, religion de la cité qui visait, en dehors de toutes
considérations métaphysiques, à insérer plus étroitement l’homme, le citoyen,
dans le cadre politique : c’était donc une religion à but matériel mais recourant
pour se faire respecter à une caution surnaturelle. Ainsi racontait-on que le
premier législateur de Rome, le roi Numa Pompilius, avait édicté ses lois grâce
aux conseils de la déesse Égéria avec laquelle il avait de fréquents
entretiens. Il va sans dire que la notion de royauté de droit divin obéit aux
mêmes préoccupations : faire accepter l’autorité d’un homme sur les autres
hommes en la plaçant sous la tutelle à la fois rassurante et redoutable d’une
puissance céleste à laquelle, d’ailleurs, on croit ou on ne croit pas.
    À plus forte raison, dans la société celtique qui n’a pas de
bases juridiques solidement établies, à la différence de la société romaine, le
problème de l’acceptation de l’autorité s’est posé, et cela dès les origines
mêmes de cette société : trop d’éléments divers entrent en jeu pour que la
société celtique soit monolithe et seule la religion, le druidisme, a été le
ciment de ces peuples dispersés un peu partout sur le continent et les îles
Britanniques. Ainsi tous les contrats, toutes les conventions, qui dans la
réalité sont toujours controversés par les uns ou par les autres, sont placés
sous la protection directe des divinités, à charge pour les prêtres, les
druides, de surveiller leur

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