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La Femme Celte

La Femme Celte

Titel: La Femme Celte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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devait
disparaître parce que monstrueuse : elle a eu le sort des traîtres qu’une
société élimine obligatoirement. Hippolyte, d’une part parce qu’il est entraîné
dans la mort par la vengeance de Phèdre, d’autre part parce qu’il risque d’être
malgré tout contaminé par la dangereuse maladie que représentait Phèdre. C’est
Poséidon, dieu tutélaire de Thésée, donc dieu protecteur des institutions
androcratiques, qui se charge de l’accomplissement de la vengeance.
    Dans une des versions celtiques de la légende, tout se passe
autrement, et comme si on n’attachait pas une importance particulière au thème
de l’inceste :
     
    L’Inondation du Lough
Neagh (Irlande) : Un roi de Munster a deux fils, Rib et Ecca.
« Ecca était sans repos et intraitable, et ses manières déplaisaient
grandement au roi. Il dit à son frère Rib qu’il avait décidé de quitter la
maison paternelle et de conquérir des terres pour lui-même dans quelque lointaine
partie du pays. Rib essaya avec force de l’en dissuader, mais s’il réussit à le
retenir un certain temps, il ne put s’opposer à son départ. À la fin, Ecca, manœuvré par sa marâtre Ebliu , causa un grave
affront à son père et s’enfuit de Munster avec tous ses gens. Et son frère Rib
et sa marâtre Ebliu partirent avec lui. » Les druides disent qu’il faut
que les frères se séparent. Rib va se fixer dans une plaine et « là l’eau
d’une fontaine jaillit de la terre » et le noie lui et ses gens. Quant à
Ecca, il s’établit dans une autre plaine et construit une forteresse et une
ville. Ce n’est que beaucoup plus tard que les eaux d’une fontaine envahissent
la plaine et noient tout le monde sauf le gendre d’Ecca et Libane, la fille
qu’il a eu d’Ebliu (J. M., L’Épopée celtique
d’Irlande , p. 39-43).
     
    Cette histoire est aussi une des versions de la Ville d’Ys.
Mais il est remarquable de constater la complicité d’Ecca et de sa marâtre
Ebliu : ils sont tous les deux opposés à la puissance paternelle. En fait
ils réalisent ce que Phèdre et Hippolyte n’ont pas fait, ils substituent à
l’autorité du roi de Munster, autorité masculine unique, un nouveau système
beaucoup plus féminin et reposant sur un équilibre entre l’homme et la femme,
entre le fils et la mère, puisqu’Ebliu, comme Phèdre, est l’équivalent de la
véritable mère. C’est également le sens de l’image chrétienne de Jésus et de
Marie. Il y a réussite dans la légende celtique, mais cette réussite ne sera
qu’éphémère, elle ne peut durer parce que l’autorité masculine pure de la
société paternaliste est bafouée. Les Celtes étaient, comme les autres, dans
des structures androcratiques [444] .
    Constamment, avec les personnages de Phèdre, d’Ebliu,
d’Yseult, de Grainné et de Deirdré, nous touchons au thème de la révolte de la
Fille-Fleur. Il s’agit d’un autre aspect de Blodeuwedd, la femme-Lilith qui
réapparaît sous le masque d’Ève. Le lien qu’elles établissent avec leur amant
est quelque chose de redoutable, de magique, de définitif. La grande leçon
qu’on peut en tirer est celle-ci : tout se passe comme si ces légendes mettaient
en valeur le pouvoir absolu et corrosif de
l’Amour. L’Amour est destructeur d’une société organisée parce qu’il isole deux
êtres, qui se suffisent à eux-mêmes et se dressent contre le cadre juridique
existant.
    Phèdre, cependant, a échoué. Il y a d’autres exemples
d’échecs de ce genre [445] . Elle se venge en
entraînant Hippolyte dans la mort, elle accuse celui-ci de ce qu’il n’a pas
fait [446] . La machine infernale est en route et plus rien ne
pourra l’arrêter : car un geis non
observé conduit à la perte irrémédiable et rapide de celui qui n’a pas franchi
le pas. Et ce pas, ne l’oublions pas, est très difficile à franchir, puisqu’il
s’agit de réfuter d’un seul geste, d’une seule parole, tout l’acquis d’une
société paternaliste. C’est une sorte de blasphème, la transgression d’un interdit
séculaire, celui de l’ Inceste , et le retour à
une situation antérieure. C’est cela que proposait Phèdre à Hippolyte [447] .
C’est cela que proposait Yseult à Tristan au fond du philtre. C’est cela que
Grainné proposait à Diarmaid en le menaçant de destruction s’il n’obéissait
pas. C’est cela que proposait Deirdré à Noisé en lui tirant les oreilles. Parce
qu’ après ,

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