La Femme Celte
traditions
évoluées, le cheval va prendre une allure satanique. Bientôt la marque de Satan
sera la marque d’un sabot de cheval [74] . Tout se passe comme si
on voulait interposer entre la Femme, objet des désirs et des rêves de l’Homme,
et l’Homme lui-même des obstacles qui le détourneraient de cette quête à
entreprendre. La Femme ne peut être que belle et merveilleuse, soit ;
mais, avant de la trouver, il faut passer par des épreuves très pénibles et
rencontrer des êtres maléfiques. Sans entrer dans le thème de la Quête de la
Femme qui demande de plus larges développements, bornons-nous à examiner
quelques traditions concernant la Femme engloutie et gardée par des monstres
répugnants, lesquels, dans un contexte chrétien, vont évidemment devenir des
suppôts de Satan ou des créatures suscitées par le génie du grand Négateur.
Les Aventures d’Art,
fils du Conn (Irlande) : À la suite d’un geis lancé sur lui, Art doit obtenir en mariage Delbchaen, fille de Morgan, qui se
trouve dans une île, quelque part sur la mer. Pour arriver jusqu’à elle, il
doit affronter de terribles dangers, des cerfs cruels, des « chiens de
houx », des crapauds hideux et des lions à l’épaisse crinière. Il doit
passer une rivière de glace et combattre un géant. Il lui faut ensuite choisir
entre deux coupes dont l’une contient un poison. Enfin, après avoir combattu et
tué le père et la mère de la jeune fille, il peut l’emmener avec lui, non sans
avoir raflé tous les trésors du Pays des Merveilles (analyse dans J. M., L’Épopée celtique d’Irlande , p. 184-191).
La Princesse Marcassa (Bretagne armoricaine) : Un jeune homme chétif, Luduenn (= Cendrillon),
doit aller chercher l’oiseau Dredaine qui se trouve dans une cage d’or en un
château inaccessible, et cela pour guérir le roi. Luduenn doit traverser trois
cours, l’une pleine de reptiles venimeux, la seconde de tigres, la troisième de
géants. Mais comme tous dorment de onze heures à midi, il faut en profiter.
Ensuite il doit passer trois chambres. Dans la première, il s’empare d’une
miche de pain qui ne diminue pas si l’on en mange, dans la seconde, d’un pot de
vin qui ne se vide pas si l’on en boit. Dans la troisième salle, il aperçoit
« une princesse belle comme le jour, étendue sur un lit de pourpre et
dormant profondément. Le vin qu’il avait bu l’avait enhardi et fait monter le
sang à la tête, et il ôta ses souliers et baisa la princesse, sans qu’elle
s’éveillât ». Enfin, dans une quatrième salle, il s’empare de l’oiseau Dredaine.
Après une série d’aventures, Luduenn peut améliorer la santé du roi, mais non
le guérir, car il faudrait que celui-ci couche avec la princesse Marcassa,
celle que Luduenn a « connue » dans le château. Précisément, la
princesse, qui a donné naissance à un fils, part à la recherche de Luduenn, le
retrouve, guérit le roi et épouse Luduenn (Conté en 1875 par Marie Manac’h de
Plougasnou dans le Finistère-nord, Luzel, Contes ,
II, 176-194).
La Princesse du Palais
Enchanté (Bretagne armoricaine) : Le jeune Efflam est envoyé par le
roi pour savoir pourquoi le soleil est rose le matin. Il arrive au palais de la
Mère du Soleil. Celle-ci empêche le Soleil de dévorer Efflam et répond à sa
question : le soleil est rose le matin à cause de l’éclat de la Princesse
Enchantée qui se tient à la fenêtre de son palais. Comme le roi est tombé
amoureux de la Princesse, il envoie Efflam la chercher. Efflam traverse le
royaume des Lions, le royaume des Ogres et le royaume des Fourmis. Il parvient
au Palais Merveilleux, il est reçu par une jeune fille d’une grande beauté qui
lui impose trois épreuves : passer une nuit dans la cage d’un lion, une
autre nuit dans l’antre d’un ogre, enfin trier en la troisième nuit un grand
tas de froment. Il réussit. La jeune fille le conduit alors près de la
Princesse Enchantée qui accepte de le suivre chez le Roi. Le Roi veut épouser
immédiatement la Princesse, mais celle-ci, prétextant qu’il est trop vieux, lui
propose de le tuer et de le rappeler à la vie sous l’aspect de ses vingt ans.
Le roi accepte. La princesse le tue et déclare froidement : « Puisque
le voilà mort, qu’il y reste, et que celui qui a eu toute la peine reçoive la
récompense ». Et elle épouse le jeune Efflam (Conté par Marc’harid Fulup à
Pluzunet, Côtes-du-Nord, en 1869.
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