La Femme Celte
guerriers et de rois, il passe en
Kernyw (Cornwall) où il continue ses ravages. Arthur finit par lui ravir le
peigne, « puis on le chassa de Kernyw et on le poussa tout droit à la mer.
On ne sut jamais où il était allé » (J. Loth, Mabinogion , I, 336-344).
Histoire de Henwen (Pays de Galles) « Une des truies de Koll, du nom de Henwen (la Vieille
Blanche), était pleine. Or il était prédit que l’île de Bretagne aurait à
souffrir de sa portée. Arthur rassembla donc l’armée de l’île de Bretagne et
chercha à la détruire. La truie alla, en se terrant, en Kernyw. Là elle se jeta
à la mer avec le grand porcher à sa suite. À Maes Gwenith (Champ du Froment),
en Gwent, elle mit bas un grain de froment et une abeille ; aussi, depuis
lors jusqu’aujourd’hui, il n’y a pas de meilleur terrain que Maes Gwenith pour
le froment et les abeilles. À Lionyon, en Penvro (Pembroke), elle mit bas un
grain d’orge et un grain de froment ; aussi l’orge de Llonyon est passé en
proverbe. À Riw-Gyverthwch, en Arvon, elle mit bas un petit loup et un petit
aigle. À Llanveir, en Arvon, sous Maen Du (la Pierre Noire), elle mit bas un
chat que le grand porcher lança du rocher dans la mer. Les enfants de Palu, en
Môn, le nourrirent pour leur malheur » (Triade 63, J. Loth, Mabinogion , II, 271-272).
La Déesse-Truie prend donc un aspect sinistre [112] .
Twrch Trwyth dévaste tout sur son passage et tue tous les hommes qu’il peut.
Henwen aura une portée qui sera un fléau pour l’île de Bretagne. Pourtant
l’animal, c’est visible, est toujours lié à la fécondité et à
l’abondance : Henwen met bas un grain de froment, un grain d’orge et une
abeille, et il est précisé que c’est du bon froment, du bon orge, une bonne
abeille. Mais, par contre, elle donne aussi naissance au loup, à l’aigle et au
chat Palu dont nous reparlerons. La Déesse Truie est donc à la fois bonne et
mauvaise, à l’image de la déesse-mère des anciens peuples de la Méditerranée ou
de l’Inde. N’est-ce pas la déesse indienne Kâli, « Kâli la Noire, ornée
des mains et des têtes de ses victimes, dégoûtantes de sang, foulant aux pieds
le corps prostré, cadavérique de son maître [113] », « la Mère
de l’Inde, image à la fois belle et terrifiante, gracieuse et meurtrière, par
laquelle l’Inde éternelle symbolise la totalité de ce qui détruit et qui crée
le monde, de ce qui mange et de ce qui est mangé [114] ».
Lorsqu’on pense à tous ces hommes tués par Twrch Trwyth, on est tenté de croire
à une sorte de rituel terrifiant analogue à celui des adorateurs de Kâli. Kâli
veut du sang, veut des victimes, humaines ou animales, elle est la Dévoreuse
insatiable, comme la Truie qui dévore parfois ses propres enfants. C’est ce qui
explique l’apparente barbarie de certains cultes rendus à la Déesse-Mère dans
toute l’Antiquité indienne ou méditerranéenne. Chez les Khonds du sud de
l’Inde, jusqu’en 1835, on préparait une victime humaine, un mériah , et la préparation durait de dix à douze
jours. Après la consécration du mériah s’ouvrait une période de débauche effrénée. Le jour du sacrifice, on
introduisait le mériah dans la fente d’un arbre
encore vert et la foule se précipitait pour arracher des lambeaux de sa chair. À
Rome, lors de la fête de la Déesse-Mère phrygienne, les prêtres, les curètes,
formaient des cortèges accompagnés de musique délirante et qui se terminaient
en orgies. À Argos, pendant les fêtes en l’honneur d’Aphrodite, les prêtresses
se droguaient et s’enivraient jusqu’à l’extase mystique. La flagellation tenait
une grande place dans ces rituels, notamment à Rome pour la fête de Cybèle et
d’Attis, à Sparte où l’on fouettait les enfants devant la statue d’Artémis,
pratique qui remplaçait d’anciens sacrifices d’enfants, comme en témoigne la
légende d’Iphigénie, à Rome pendant la fête des Lupercales où les prêtres
flagellaient les fidèles et particulièrement les jeunes femmes. Ces rituels de
flagellation ont survécu au christianisme, et nous les retrouvons tout au cours
du Moyen Âge, dans les mortifications et châtiments corporels, et dans les
processions de flagellants.
La Déesse-Truie veut du sang, veut des cris de douleur. Le
symbolisme de la Truie et surtout du sanglier est éloquent. Le sanglier est
l’animal qui défonce le sol, qui déchire avec ses crocs et ses
Weitere Kostenlose Bücher