La Femme Celte
chasseurs, c’est-à-dire de l’homme. Seuls quelques
héros la protègent encore, dont Finn, qui n’est pas tout à fait le héros de
culture si commun dans les traditions indo-européennes. Mais l’ordre
paternaliste représenté par les prêtres de n’importe quelle religion, en
l’occurrence le druidisme, s’efforce de l’éloigner à jamais : d’où la rage
du druide Fîr Doirche, dont le nom, répétons-le, signifie « Homme
Noir », à poursuivre Sadv et à lui redonner sa forme de gibier. Mais
l’image de la déesse est si profondément présente dans l’inconscient des hommes
qu’elle réapparaît néanmoins sous des formes plus ou moins aberrantes. Sadv
disparaît peut-être, mais elle a un fils, Oisin. Le Faon est un nouveau personnage,
conforme à l’idéal paternaliste, mais il représente, par sa filiation, le
concept ancien de la divinité féminine.
Et de même que la Déesse-Mère devient le Dieu-Père, de même
que la Déesse-Soleil devient le Dieu-Soleil, la Déesse-Biche va tout
naturellement devenir le Dieu-Cerf. Il est célèbre dans l’iconographie
celtique, comme en témoignent les nombreuses statuettes représentant un homme
avec des cornes de cerfs. On sait même son nom, c’est Cernunnos, d’après un
bas-relief de l’Autel des Nautes conservé au Musée de Cluny à Paris. Sur un
autre monument conservé à Autun, le dieu tient dans sa main une coupe vers
laquelle se tendent deux serpents. Sur le bas-relief conservé à Reims, et qui
est le plus connu, Cernunnos est assis dans la classique pose bouddhique et
tient une sorte de sac duquel s’écoule un courant, probablement de pièces de
monnaies, qui se déverse sur un bœuf et un cerf ; le dieu est entouré
d’Apollon et de Mercure. Sur l’une des plaques du Chaudron de Gundestrup,
conservé à Copenhague, chaudron dont on discute l’âge et l’origine, mais qui
est indubitablement un monument d’illustration de la mythologie celtique, le
dieu est représenté entouré de quatre animaux, dont un cerf et un chien. Ce
Dieu-Cerf (entendons-nous bien, il s’agit d’une dénomination commode, l’animal
symbolisant le dieu, comme la jument symbolise Rhiannon-Épona) se retrouve dans
des œuvres littéraires assez récentes mais imprégnées de traditions celtiques,
sous l’aspect de la bête que l’on chasse afin d’obtenir une récompense, ou bien
sous l’aspect d’une bête domestiquée et qui aide l’homme, ou la femme qui s’en
est rendu maître.
La Chasse au Blanc
Cerf (Chrétien de Troyes) : À Pâques, le roi Arthur, qui tient sa
cour à Cardigan, annonce qu’il veut chasser le Blanc Cerf « afin de
relever la coutume ». Gauvain, qui n’est pas tout à fait d’accord,
déclare : « Nous connaissons tous la coutume du Blanc Cerf. Celui qui
peut le tuer doit donner un baiser à la plus belle femme de votre cour » ( Érec et Énide , trad. A. Mary, p. 32).
Gereint et Énid (Pays de Galles) : À la Pentecôte, le roi Arthur tient sa cour à
Kaerllion-sur-Wysg. Arrive un chevalier qui déclare au roi : « J’ai
vu dans la forêt un cerf comme jamais je n’en ai vu… Il est tout blanc, et par
fierté, par orgueil de sa royauté, il ne marche en compagnie d’aucun autre
animal. » Arthur décide d’aller chasser le Blanc Cerf, et Gwalchmai
(Gauvain) lui propose « de permettre à celui à qui verrait le cerf pendant
la chasse, de lui couper la tête et de la donner à qui il voudrait, à sa maîtresse
ou à celle de son compagnon, que le cerf tombe sur un cavalier ou sur un
piéton » (J. Loth, Mabinogion , II,
124).
Le Cerf de Merlin (Pays de Galles) : Merlin, devenu fou, est allé s’établir dans la forêt de
Kelyddon et a même permis, sous certaines conditions, à sa femme Gwendolyn de
se remarier. Il apprend le prochain mariage de celle-ci et arrive, monté sur un
cerf et poussant devant lui un troupeau de cerfs. Il appelle Gwendolyn qui se
montre à la fenêtre et s’amuse beaucoup du spectacle. Le fiancé vient
voir : alors Merlin arrache les cornes du cerf qu’il monte et les lance
contre le fiancé, lui brisant ainsi le crâne. Puis il repart dans la forêt,
toujours sur son étrange monture ( Vita Merlini ,
analyse dans J. M., L’Épopée celtique en Bretagne ,
p. 118).
Édern et Genovefa (Bretagne armoricaine) : Édern, personnage des romans arthuriens devenu
saint Édern en Armorique, arrive dans les Monts d’Arrée, « monté sur un
cerf,
Weitere Kostenlose Bücher