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La Femme Celte

La Femme Celte

Titel: La Femme Celte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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cuisse est un euphémisme : il s’agit d’une blessure aux
parties sexuelles, comme en témoigne l’impuissance du Roi-Pêcheur, lui aussi
blessé à la cuisse pour avoir découvert le Graal sans y avoir droit [127] ,
comme le mystérieux Math ab Mathonwy, héros d’un mabinogi gallois et qui ne peut vivre que la jambe dans le giron d’une vierge. D’autre
part la malédiction de la biche blessée relève du geis irlandais : Guigemar ne pourra être guéri que par une seule femme au
monde, c’est-à-dire en fait par elle-même, la déesse, sous un autre aspect.
Elle se réserve l’exclusivité de Guigemar en le frappant d’impuissance. Il y a
cette même idée dans la légende de Diarmaid et Grainné, et dans celle de
Tristan et Yseult [128] .
    Cela nous amène à élargir le champ d’investigations concernant
la déesse-biche et à déborder sur un plan universel, bien au-delà du domaine
indo-européen. En effet, nous retrouvons là le thème de la blessure infligée
par la déesse à son amant et qui est si répandu dans le Proche-Orient,
particulièrement chez les Sémites. N’est-ce pas l’histoire d’Ishtar et de
Tamnuz ? N’est-ce pas l’histoire d’Astarté (devenue plus tard Aphrodite)
et d’Adonis ? N’est-ce pas surtout l’histoire de Cybèle et d’Attis, où
nous voyons la déesse frapper de folie son fils-amant pour le garder ? Or,
dans sa folie, Attis se châtre, geste qui s’est conservé de façon rituelle,
puisque les prêtres de Cybèle, les Galloi , qui
s’identifient à Attis, se châtrent et portent des vêtements féminins. Mais si
Ishtar-Astarté, ou Cybèle, sont les noms sémites de la Déesse, il ne faut pas
négliger celui qui est plus indo-européen, ou tout au moins plus proche des
indo-européens, celui d’une déesse qui présente de nombreux points de concordance
avec l’ancienne Déesse-Mère des Dieux, celui d’Artémis que les Romains ont
assimilée à Diane. Cette Artémis, qui est l’Arvi indo-iranienne [129] ,
est généralement considérée comme l’antique et cruelle Diane Scythique, déesse
solaire des peuples de la steppe, et dont le culte s’est répandu sur tout le
pourtour méditerranéen au moment des migrations des Hellènes. On sait qu’à
Sparte, dans les temps les plus primitifs, on offrait en sacrifice des victimes
humaines à Artémis, ce qui est conforme à ce qu’on sait sur le culte de la
Grande Déesse des Scythes. C’est le réformateur Lycurgue qui fit interdire les
sacrifices humains et les réduisit en une flagellation des jeunes gens devant
la statue de la déesse, et là nous retrouvons le mythe de Cybèle et d’Attis,
d’Ishtar et de Tamnuz. De plus, dans l’iconographie, Artémis est représentée
avec une biche, ce qui en dit long sur les transformations du thème primitif.
En effet, telle qu’elle est fixée dans la mythologie grecque littéraire et classique
(c’est-à-dire figée à un certain stade de son évolution), Artémis est la
Chasseresse Divine. Si on la représente avec une biche, ce peut être parce
qu’elle protège les chasseurs et qu’elle leur octroie une bonne chasse, mais
comme, dans toutes les religions, l’idée de protection est venue après – et
d’après – la représentation symbolique, il est plus probable qu’elle a été
d’abord protectrice des animaux sauvages et des biches en particulier, concept
issu d’une analogie plus primitive : la déesse était elle-même un animal sauvage, était une biche.
Le processus a déjà été observé pour Rhiannon-Épona [130] .
    Ce qui est étrange, c’est qu’Artémis soit la Chasseresse,
alors que la Sadv gaélique et la Biche de Guigemar sont des gibiers, mais en y
réfléchissant, tout s’éclaire. Artémis est demeurée dans les légendes
littéraires de l’Antiquité classique l’image figée définitivement de l’ancienne Déesse, telle qu’elle était au temps de sa
puissance, au sein d’une société gynécocratique. Dans la tradition celtique orale et par conséquent plus évoluée, le personnage
de la Déesse a eu le temps de se transformer et d’être occulté. Par suite du
renversement des concepts sur la féminité, par suite des structures nouvelles
des sociétés paternalistes, la déesse était rejetée hors du circuit
légal : comme la Princesse Engloutie dans le châtiment de la Ville d’Ys,
la Chasseresse est devenue le gibier obligé de se terrer dans les fourrés, en
butte aux persécutions des

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