La Femme Celte
combat (gallois et bret. arm. kad ), et en Bodu ,
rage, fureur, violence, ce qui fait d’ailleurs penser à la reine historique
Bodicea ou Boudicca, qui fut l’âme de la résistance bretonne contre les
envahisseurs romains. De fait, Morrigane, Bodbh et Macha sont toujours
représentées sous un aspect sauvage, comme des furies guerrières qui
s’acharnent sur les combattants et qui les excitent au combat. Morrigane est
même dite « fille d’Ernmas », c’est-à-dire de Meurtre , ce qui est tout un programme. Dans la
grande épopée de la Tain Bô Cualngé , elle participe
au combat après avoir fait dérober le taureau, enjeu de la guerre, et elle
vient, sans pudeur, s’offrir à Cûchulainn, lui promettant de l’aider.
Cûchulainn refuse, et Morrigane essaie de se venger de lui, en apparaissant
successivement sous forme de vache, d’anguille et de louve [151] .
D’Arbois de Jubainville, se basant sur le fait que le plus souvent Morrigane et
ses deux sœurs apparaissent sous forme de corneilles, a proposé de voir dans le
monument gaulois du musée de Cluny, à Paris, représentant un taureau survolé
par trois grues ( tarvos trigarannos ), une
illustration de ce thème [152] . Dans La Mort de Cûchulainn , la Bodbh, fille de Calatin,
qui semble un autre aspect de Morrigane, vient au-dessus de la maison où se
trouve Cûchulainn sous forme d’une corneille, et prononce des paroles magiques
qui entraîneront le héros à sa perte. Lorsque Cûchulainn est mort, elle
s’approche du cadavre du héros pour savoir s’il est vraiment mort :
« Elle vint sous la forme d’un corbeau, c’est-à-dire d’une corneille, des
profondeurs les plus élevées du firmament jusqu’à ce qu’elle fût à proximité de
lui. Elle poussa ses trois grands cris au-dessus de lui et se posa sur le
buisson d’aubépine en face de lui, si bien que « l’aubépine de la
corneille » est le nom du buisson d’aubépine dans la plaine de Muirthemné [153] ».
L’ Histoire d’Irlande ,
rédigée au XVII e siècle d’après des documents
anciens par John Keating, cite Bodbh, Morrigane et Macha comme étant les trois
déesses des Tuatha Dé Danann. Le texte de la Bataille
de Cnucha , qui est une épopée de la série ossianique, décrit les « Bodbh sur les poitrines des hommes ». Celui de
la Bataille de Mag Rath parle de la Morrigane
« aux cheveux gris ». Dans celui de la Destruction
de l’Hôtel de Da Choca , il s’agit des « Bodbh aux bouches rouges ».
Dans le « Livre des Conquêtes », vaste compilation de lettrés sur les
origines mythologiques de l’Irlande, on trouve l’énumération suivante :
« Bodbh, Macha et Ana (ou Anand), les trois filles d’Ernmas », ce qui
est contredit par le poème qui suit, lequel, dans l’énumération, remplace Ana
par Morrigane. Nous verrons d’ailleurs plus loin ce qu’il faut penser de cette
interchangeabilité Morrigane-Ana.
De toute façon, Morrigane la Gaélique, comme la Morgane des
Romans de la Table ronde, a la faculté de se changer en oiseau, et elle est
accompagnée de ses sœurs qui peuvent prendre le même aspect qu’elle. Il est
hors de doute que Modron soit le même personnage : la déesse mère qui
protège, ou son époux, ou son fils. Mais il y a une petite difficulté. En effet,
la tradition galloise qui, certaines fois, donne pour enfants à Modron Owein et
Morvudd, donne d’autres fois à celle-ci un fils unique. Et ce fils unique n’est
pas moins mystérieux, car il s’agit de Mabon. Le récit gallois de Kulhwch et Olwen , dont l’origine est fort ancienne,
dit à ce propos : « Mabon, fils de Modron, qu’on a enlevé la
troisième nuit de sa naissance d’entre sa mère et le mur [154] ».
On comprend par la suite que Mabon est prisonnier dans un endroit que personne
ne connaît, et l’une des épreuves infligées à Kulhwch est de le retrouver.
D’après une des Triades , Mabon fut l’un des
trois prisonniers éminents de l’île de Bretagne [155] .
Grâce à Arthur et à ses guerriers, Mabon est retrouvé dans une prison
souterraine à Kaer Loyw, prison à laquelle on ne peut accéder que par le
fleuve, à dos de poisson . « Kai et Bedwyr
montèrent sur les épaules ( sic ) du poisson et,
pendant que les soldats d’Arthur attaquaient le château, Kai fit une brèche aux
parois de la prison et enleva le prisonnier sur son dos [156] . »
Or il existe chez les Gaulois, et surtout chez les Bretons
de l’époque
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