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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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souleva ses pesantes épaules. Le flambeau nerveusement agité couvrit d’or son visage sévère et fit danser des ombres sur les murs. Blainville cria quelque part : «  Godefroy, le temps presse ! » Harcourt hurla : «  Patiente ! » et reprit :
    – Je n’étais pas un traître, alors ! Quand je me courrouçais, il m’advenait de vitupérer le roi et sa famille. Autour de moi, on s’ébaudissait sans malice… Or, j’ai servi Philippe en Flandre avec six chevaliers, trente écuyers, ma piétaille au complet. Je n’ai guère quitté ton père en ces jours noirs… Et pour ce qui est de l’Écluse, y aurais-je combattu aussi ardemment que lui, le roi – qui sait ? –, m’en aurait récompensé en préjudiciant mon honneur et mes armes !
    – Non, messire. Tout notre malheur vient de Blainville. Il nous envie Gratot et fait tout pour l’avoir. Plus j’y pense et plus il me semble que les richesses et honneurs qu’il peut espérer d’Édouard III sont de minces raisons à sa félonie. Pourquoi n’est-il pas loyal envers Philippe, qui ne lui refuse rien, pas même la tête des hommes dont il a déplaisance ?
    – Je l’ignore, mais tu dis vrai : Blainville exècre les Valois sans haïr pour autant le royaume de France… Nous en connaîtrons un jour la raison.
    – Vous peut-être. Pas moi : la mort me serre de trop près.
    – Non, te dis-je !… Quant aux excès que tu me reproches d’avoir commis et de commettre, sais-tu que ce sont le roi et même un peu ton père qui m’y ont poussé ?
    – Mon père ?… Ah ! je ne vous crois pas. Il m’a dit, lui, que la raison de votre courroux venait d’un mariage auquel le roi s’était opposé. Vous vouliez épouser…
    – Jeannette, fille de feu Roger Bacon, seigneur du Molay (203) .
    En deux enjambées inégales, Harcourt fut sur le seuil de la geôle. De là, il clopina vers l’escalier. Il en revint rassuré mais les nerfs tendus : le flambeau dans sa dextre ne cessait de trembler.
    – Quand j’ai demandé la main de Jeannette, j’ai appris que Robert Bertrand de Bricquebec la convoitait aussi pour son second fils : Guillemet (204) .
    Le Boiteux s’était animé ; son esprit s’enfonçait maintenant dans les épaisseurs profondes des souvenirs. Ogier fit un effort et sourit :
    – Qu’il y ait eu rancœur, je le conçois. Mais vous avez trahi lorsque la préférence du roi, pour ce mariage, alla au fils du chevalier au Vert Lion.
    Le flambeau grésilla ; une goutte avait chu sur les flammes.
    – Non… Bricquebec m’assaillit le premier. Je me suis défendu. Tu en aurais fait autant à ma place.
    – Il dut y avoir bien des morts pour que le roi vous adjure de cesser la discorde et vous menace de son intervention !
    Harcourt grogna ; son expression devint glaciale :
    – Je me suis soumis à sa volonté et j’ai siégé à l’Échiquier (205) de Pâques, voici quatre ans… Et avant d’aller rejoindre l’assemblée, j’ai vu ton père…
    – Mon père !… Où était-ce ?
    – À Saint-Lô.
    Sans les flammes, les yeux d’Harcourt, en ce moment, eussent paru singulièrement vides. Sa personne, son immobilité semblaient composées de ce granit dont Saint-Sauveur et Gratot étaient constitués.
    – Il passait, vêtu en manant, dans la foule. Sans doute, Blainville étant absent, voulait-il approcher, pensai-je, le duc Jean et le roi… Les huissiers l’ont repoussé comme on repousse un mendiant…
    – Jamais il n’aurait dû s’exposer à cette humiliation !
    Harcourt inclina lourdement la tête :
    – Garde-toi de te mettre à sa place… Je l’ai retrouvé à la nuit tombante alors qu’il revenait à Gratot à pied avec deux hommes. Je lui ai conseillé d’obtenir, avant toute nouvelle action, l’appui de l’évêque de Bayeux, Guillaume Bertrand, que le roi tenait en fort grande estime… parce qu’il est le frère de Bertrand de Bricquebec…
    – Celui-là aussi était un ami de notre famille. Il manquait parmi nous à l’Écluse. Il s’est détourné de mon père après sa dégradation, sans même chercher à savoir.
    – C’est donc qu’il ne vous aimait pas ! Mais laisse-moi poursuivre… J’ai accompagné ton père avec quelques soudoyers cinq ou six jours plus tard, à Bayeux. Je l’ai quitté à quelques toises de la cathédrale. C’était son affaire et ma présence pouvait faire échouer sa requête… Elle consistait, simplement, à demander un nouveau

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