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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sol mou s’ajouta bientôt un petit crissement reconnaissable.
    – Une carriole !… Il se peut qu’elle appartienne à des hommes d’armes ; il se peut aussi qu’elle soit à un bourgeois… Je les arrête ?
    – Oui, Hugues… Faites pour le mieux !
    Les crépitements des sabots dominèrent ceux de la pluie, et les grincements devinrent plus aigus. Ogier vit Calveley agiter les bras ; demeurant appuyé sur un coude, il aperçut deux chevaucheurs vêtus de manteaux noirs ; leur compagnon, à l’avant d’un chariot couvert d’un prélart en forme de toit, relâcha la bride de son cheval et demanda d’une voix irritée :
    – Que voulez-vous ?
    – Où que vous alliez, messire, j’ai là un bon compère qui doit recevoir des soins.
    – Qu’a-t-il ?
    – Une jambe rompue.
    – Va voir, Urbain.
    Un des cavaliers contourna le tronc et sans quitter la selle se pencha sur Ogier.
    – Ce gars-là, messire Étienne, me paraît en piteux état.
    – Où voulez-vous aller ? demanda l’homme.
    – Chauvigny… Pour tout vous avouer, nous ne savons en quel sens c’est…
    – Je me rends à Poitiers. J’ai été retardé… Urbain, aide ce garçon à monter son compagnon à l’arrière.
    Et brusquement :
    – Pourquoi est-il en cet état ?
    « Au point où nous en sommes », songea Ogier, « il nous faut dire la vérité… en souhaitant que Dieu nous garde ! »
    Le charton insista, martelant de ses pieds la coquille (215) sous son siège :
    – Que lui a-t-on fait ?
    L’homme avait la voix forte, frémissante. Il aimait à commander.
    – Je suis chevalier, messire. Emprisonné à Angle injustement, je m’en suis évadé grâce à mon bienfaiteur… qui est un chevalier anglais.
    – Anglais !
    – Oui, messire. Vous avez voulu la vérité, vous la connaissez.
    – Montez. Vos noms n’importent peu… Je suis Étienne Ronchamp et viens de Montargis. Je vais à Poitiers quérir diverses marchandises… Comme je n’atteindrai pas cette cité ce soir, je chercherai une hôtellerie à Chauvigny… Où voulez-vous aller ?
    – Chez un mire, messire, du nom de Benoît Sirvin.
    – Soit… Allons, Urbain, et vous, l’Anglais, couchez ce gars sur ces sacs et laissez-en certains à sa portée pour qu’il se protège du froid… L’Anglais, mettez-en un sur vos épaules et montez près de moi… Chauvigny est à trois lieues !
    La carriole se remit à rouler. Ogier frissonnait toujours, et la peur demeurait collée à sa peau. Trois lieues, ce serait long. Il entendit grincer les essieux et grésiller les fers des chevaux sur les cailloux et les bosses rocheuses.
    « Rien n’est encore gagné », songea-t-il, « mais cela prend forme. »
    Il s’enfouit sous des sacs de bure dont l’odeur semblait être celle de l’ambre, et se demanda quels négoces appelaient ce Ronchamp en Poitou.
    Longtemps, il se laissa bercer par la caisse de bois grinçante. La pluie crépitait sur le prélart, le vent rudoyait le pays à longues fouettées sifflantes, et mugissait comme un loup.
    – Que venez-vous donc faire en Poitou ? demanda le conducteur à Calveley. Il paraît qu’on se démène dans les havres de la Manche appartenant à Édouard… C’est ce que m’ont confié des drapiers de Calais…
    L’Anglais ne dit mot et le marchand n’insista pas.
    Ogier ferma les yeux. Pour la première fois depuis près de quatre jours, il avait chaud. La pluie pouvait crépiter au-dessus de sa tête et le vent hurler à la mort, rien de ce qui se passait au-dehors ne devait plus compter. C’était bon de respirer à son aise ; c’était délicieux de s’abandonner sans crainte au sommeil…
     
    *
     
    Un tapotement sur l’épaule. Un « Ah ! il se réveille. » Ouvrant les yeux, Ogier vit Calveley penché sur lui.
    – Nous venons de franchir l’enceinte par la porte Brunet. Les gens du guet ne nous ont rien demandé… Où habite votre mire ?
    – Si nous passons devant l’église Saint-Pierre, je saurai vous montrer…
    – Levez-vous et aidez-nous, dit la voix d’Étienne Ronchamp.
    Ogier s’accrocha au siège et reconnut, sous le ciel livide, la rue menant à la collégiale.
    – Tout droit.
    Tiré par un limonier noir, vigoureux, que la pluie ne gênait nullement, le chariot repartit, trembla sur des pavés. À gauche, la masse brune du château de Flins apparut ; plus loin, à droite, le massif donjon de Gouzon, puis les dômes de la collégiale

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