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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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guère où on se trouve… Il se peut qu’une connestablie de Gallois ou de je ne sais quoi soit allée par là… Ces maufaiteurs se sont éparpillés… Es-tu de Coutances ?
    Le tutoiement plut à Ogier ; il signifiait que le sergent le prenait enfin pour un Normand.
    – Oui.
    C’était un léger mensonge ; Lemosquet se ceignit de son épée :
    – À ta place, plutôt que d’être assis sur l’esponde (235) de cette escabelle, je sauterais en selle et galoperais vers Paris. Je me joindrais à l’ost que Philippe a sûrement formé pour marcher au-devant de ces démons, et je prierais messires saint Denis et saint Étienne de vouloir bien m’aider à sortir vivant des prochains boutis de glaives…
    – J’irai, dit Ogier. Que Dieu te garde, Lemosquet !
    Le sergent s’en alla sans que Benoît Sirvin lui eût demandé rétribution. Le vieillard dit en fermant sa porte :
    – Tu es le restorier (236) de ton père. Le meilleur moyen d’obtenir la bienveillance et l’intérêt du roi, c’est de te battre à ses côtés, si tu le peux, et de le protéger, si cela s’impose, afin d’obtenir justice…
    – Je cloche encore un peu…
    – Pour achever de rétablir ta jambe, chevauche deux lieues, mets pied à terre et marche tant que tu peux ; puis remonte en selle, et ainsi de suite. Ce n’est pas en lui épargnant tout effort qu’un muscle se régénère ; c’est, au contraire, en lui fournissant du labeur… Tu auras ton cheval demain. C’est un roncin blanc de quatre ans dont Ferrier m’a dit grand bien… J’ai interrogé le ciel cette nuit… Les conjonctions te sont favorables… Où vas-tu aller ?
    Ogier faillit répondre : « À Poitiers. » Il ne l’osa de crainte d’encourir un reproche. Il fallait pourtant qu’il revît Blandine. Il devait se justifier et la rassurer.
    – Vous le savez bien, messire ! biaisa-t-il. Je n’ai qu’une frayeur : c’est que Blainville, en me revoyant, une fois son ébahissement passé, me fasse jeter en geôle !
    – Tu n’as qu’à faire en sorte de l’éviter jusqu’au moment de la vengeance. Alençon, je crois, te protégera… pour que tu le protèges mieux encore… Mais tu n’en es pas là !… Les routes ne sont guère nombreuses, de Chauvigny à Paris. Je n’y suis, d’ici, allé qu’une fois… Chevauche vers Tours. De là, tu suivras la Loire jusqu’à Blois, puis Orléans, Étampes, et je ne sais plus quoi… Évite Montlhéry dont le seigneur est, dit-on, crapuleux… Et que le Ciel te préserve afin que tu reviennes en ces lieux où je t’attendrai…
    – Jusqu’à quand, messire ?
    Le mire eut un sourire dans lequel Ogier décela une bonne part de compassion :
    – Tout m’incite à penser que tu reviendras en hâte… Certes, tu pourrais demeurer à Chauvigny, mais ce serait t’abaisser au niveau des couards. Or, tu es leur contraire… Je crains que tu n’ailles au-devant d’une déception sanglante. Les Goddons sont les meilleurs guerriers du monde. Ils ont des connétables et capitaines valeureux et surtout un roi auquel tout profite. Les nôtres sont des présomptueux avides d’être distingués par un suzerain dont on sait qu’il ploie le genou devant son épouse. Souviens-t’en : l’homme qui se comporte ainsi compromet son règne dans son foyer. Admirer n’est point s’avilir. Sois un homme, jamais l’ombre d’icelui ; sois un mari, jamais un esclave.
    « Il n’aime point Blandine », enragea Ogier.
    Alors, hardiment :
    – S’il s’agissait d’une autre pucelle que celle à qui vous pensez, me tiendriez-vous ce langage ?
    Le mire eut un geste évasif :
    – Comment pourrais-je te répondre ? Je ne t’en connais pas d’autre.
    C’était une repartie décevante. Ogier s’en contenta. Il s’était fait lui-même river son clou.

V
    Herbert Berland et sa famille habitaient un hôtel dont la façade à colombage, flanquée de deux tourelles de pierre, comportait trois étages en encorbellement. Situées au-delà des tours, dans un mur prolongeant le bâtiment et protégeant les dépendances, deux portes accédaient, l’une aux appartements, l’autre, à doubles battants massifs, aux écuries, granges et logis des serviteurs. En s’arrêtant devant cette demeure, Ogier la trouva pareille à ses voisines groupées autour des halles de Poitiers, jusqu’à ce qu’il changeât d’avis, car à l’inverse des autres, la prud’homie du père de Blandine s’y affirmait

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