Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
sont formés en trois batailles d’environ dix mille hommes chacune, et chacune d’icelles va de son côté le jour pour se ressouder aux deux autres pendant la nuitée. Toutefois, quelques connestablies vont de l’avant, menées par des capitaines aventureux…
    – Combien y aura-t-il d’Anglais cette nuit à Poissy ? demanda Jean de Hainaut.
    – Dix mille, sans doute, dont le roi Édouard et son fils. Harcourt ne saurait être loin.
    – Qu’en pensez-vous, Jean ? demanda familièrement le roi, l’index tendu vers le frère du Boiteux.
    Le comte d’Harcourt remua ses épaules de fer :
    – Qu’il faudrait voir, sire, dès que ces malandrins auront quitté Poissy, de quelle façon nous pouvons rétablir le passage sur Seine. Nous les rejoindrions et…
    Philippe VI, ses pâles sourcils froncés, fit jouer son épée dans sa gaine :
    – Jamais le pont de Poissy ne sera rétabli. Parce que c’est impossible ! Quand nous allions à Rouen, j’avais ordonné qu’il soit abîmé de façon à devenir irréparable !… Irréparable, Harcourt !
    Parlant ainsi, le roi dévisageait ses compagnons, puis le jeune espion transi de froid et peut-être de faim. Il rit soudain avec une telle expression de plaisir qu’Ogier, les yeux baissés, redouta d’entendre une sottise magistrale.
    – Allons, mes amis, ne faites pas ces faces de carême !… Tout peut s’arranger. Nous approchons, nous aussi, de ma bonne cité de Paris… Il suffit qu’Édouard et moi nous battions à Saint-Germain-des-Prés… Il m’a écrit Paris  ? Je vous donne l’endroit avant de l’y convier…
    « Et ce n’est nullement une jengle (288)  », constata Ogier, effaré. Sans presque remuer la tête, il observa les hommes abasourdis groupés devant l’orgueilleux qui, frétillant entre les accoudoirs de son siège, attendait sans doute une foison d’assentiments. Quelques-uns jaillirent sous forme de cris – «  Oui ! » « Bien ! » « Fort bon ! » – poussés par des serviles tels que Saint-Venant et les comtes de Blois, de Flandre, d’Auxerre et de Sancerre, mais la plupart des bouches restèrent closes. Ainsi, toutes ces lieues de vaine chevauchée amenaient le souverain d’une France éprouvée à cette idée aussi fumeuse que les récents brasiers des Goddons : lui, le Valois, affronterait un Plantagenêt à Saint-Germain-des-Prés ! Et tandis qu’employant le pluriel de majesté pour l’occasion, le roi déclarait solennellement : «  Nous qui toujours voulons raison garder occirons cet infâme  », Ogier échangea un coup d’œil avec le comte d’Alençon désolé par tant d’inepte persévérance. Le peu qu’il eût remué attira sur lui l’attention de Blainville, entre Montmorency, songeur, et Saint-Venant, rieur.
    – Vous semblez vous ébaudir, Fenouillet !
    – Certes non, messire Blainville !
    Dans l’ombre, il voyait à peine les yeux du félon dont l’armure sans tabard prenait aux lueurs des torches des luisances rouges. « Il va me chercher querelle ! » Mais Blainville ne put prolonger son esclandre : Philippe VI s’écriait :
    – Fenouillet !
    L’épée battante, le roi quitta son siège et s’approcha de son féal :
    – Vous avez rasé votre barbe… Eh bien, tant pis : Édouard vous reconnaîtra tout de même… Vous allez à nouveau traverser la Seine.
    – Hein ? fit Alençon tandis que les quelque trente hommes présents murmuraient d’étonnement et peut-être de désappointement.
    Insensible, surtout, à la fureur de son puîné, Philippe VI eut ce sourire qui, toujours, ressemblait à une lippe intraduisible. Ogier sentit les mains du roi sur ses épaules et craignit que, dans un élan de bonne humeur, il ne lui donnât l’accolade.
    – Vous allez porter à Édouard une nouvelle défiance…
    – Sire !… Sire ! C’est à moi d’y aller cette fois, dit Blainville.
    Indifférent à cette supplication courroucée qui d’ailleurs provoquait quelques rires, Philippe VI, d’un geste, intima le silence à son favori. Puis il développa son idée :
    – Vous le trouverez une nouvelle fois, Fenouillet ! Vous lui confirmerez ce que mon tabellion va lui écrire, à savoir que nous nous battrons à Saint-Germain-des-Prés le jour où il y sera disposé. Le plus tôt sera le mieux…
    Et marchant devant ses maréchaux et capitaines silencieux, tous aussi courroucés que Blainville, bien que la raison de leur mécontentement fut

Weitere Kostenlose Bücher