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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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différente, Philippe VI, se méprenant, poursuivit :
    – Certains d’entre vous m’en veulent de ne pas les avoir choisis… Fenouillet s’étant bien acquitté de sa première mission, il est juste que je le reprenne… De plus, vous allez avoir fort à faire, car nous n’allons pas demeurer cette nuit en cet endroit… Nous ne ferons qu’un fort petit arrêt à Poissy : croyez-moi, jamais les Anglais ne s’aviseront d’y reconstruire le pont… Je vais d’ailleurs laisser en cette cité, sur la rive qui nous appartient, quelques-uns de ces Génois que vous plaignez tant, Fenouillet, après m’être entretenu avec leurs chefs… Doria et Grimaldi, êtes-vous présents ?
    Deux hommes s’avancèrent. Bruns, barbus, les yeux fendus en amande, c’étaient les seuls à être tête nue. Leurs cheveux plats leur tombaient aux épaules. Tous deux portaient des pourpoints noirs brodés d’or, et des chausses bouffantes dont une jambe était grise et l’autre rouge. Ils apportaient à cette assemblée de guerriers enfouis dans les mailles et les plates de fer, un air de Cour. Si leurs arbalétriers peinaient sous leur harnois, ils avaient, eux, l’aspect léger de deux bons vivants.
    – Nous sommes là, sire, dit le plus courtaud : Grimaldi.
    – Pour vous servir, ajouta son compère.
    – Vous choisirez cent hommes. Nous les laisserons au passage à Poissy. Ils garderont cet inutile pont avec les cinquante chevaliers picards qui s’y trouvent et les cent archers sous leur commandement… Et nous avancerons vers Paris…
    Blainville grogna ; le roi se détourna, furieux :
    –… que cela vous plaise ou non, Richard !… Vous resterez auprès de moi. J’ai trop besoin de vous pour vous envoyer en face !
    L’œil pétillant d’inquiétude, le comte d’Harcourt, dont le fils se tenait à sa droite, fit un pas en avant. Ogier vit que son bras gainé de fer pendait contre son flanc et sa cuisse : il se remettait mal de sa blessure.
    – Sire Philippe, deux cent cinquante hommes me paraissent insuffisants pour garder ce pont. Les charpentiers d’Édouard sont comme ses archers : habiles et d’une vélocité…
    – Je n’en ai cure, interrompit le roi. Mais, pour vous agréer…
    Il y eut un silence : le temps d’une méditation suivie d’une injonction :
    – Saint-Venant : afin de satisfaire Jean IV d’Harcourt, vous laisserez à Poissy trois cents guicliers (289) . C’est tout ce que ce pont mérite !
    Dépité, soumis et sans doute engrigné, Harcourt réintégra les rangs tandis que Philippe VI hurlait :
    – Frère Benoît !… Frère Benoît !
    Un clerc apparut, en robe grise, l’écritoire à la main.
    – Entrez dans mon pavillon, Benoît… Nous allons adresser une lettre scellée cette fois de mon grand sceau, à mon cousin d’Angleterre.
    La portière du logis retomba, et tandis que les guerriers présents demeuraient en demi-cercle devant le siège vide sur lequel Alençon prenait place, Ogier fit un pas vers le Moyne de Bâle, qu’il ne put rejoindre : émergeant de sa tente, le roi lui faisait signe :
    – Venez, Fenouillet. Il est bon que vous connaissiez la teneur de ma défiance.
    Deux chandelles brûlaient sur la table où le moine s’apprêtait à écrire. Autour, c’était l’ombre et les seules brillances de l’armure royale. Marchant d’un pas vif et le geste impétueux, la voix mate et rapide, le roi dicta qu’il voulait combattre à Saint-Germain-des-Prés, puis ajouta, inspiré :
    –… et même à Vaugirard, mon cousin, et même, au cas où vous seriez aussi pressé que moi, entre Franconville et Pontoise…
    Écoutant le souverain livrer ses volontés absurdes à un adversaire de sens rassis, Ogier perdit le reste de respect que par foi et hommage il avait conservé à cet homme. Procédant nullement de sa valeur intrinsèque mais des substitutions aux preux de ses lectures, l’orgueil de Philippe VI et sa farouche certitude de vaincre un ennemi présentement triomphant avoisinaient la folie. Et tandis qu’il dictait au moine grassouillet, ponctuant ses phrases à grands coups du poing dextre sur sa paume senestre, Ogier reçut confirmation de ce qu’il pressentait depuis Rouen : ce roi délirant ourdissait sa défaite. Édouard se jouerait de lui : « Ce n’est qu’un fou de gloire et de Chevalerie ! » Car Philippe se souciait peu de son royaume ; l’important, c’était sa gloire, une éternité de gloire : il

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