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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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avènement, eût gagné moult batailles…
    Édouard III s’approcha de la cheminée, s’assit sur une escabelle, regarda les flammes dévorer la corniche ouvrée de feuilles de laurier ; puis, tourné vers le messager, la face brutale et l’œil dur :
    – Sait-il, ton Philippe, qu’il est chanceux d’avoir des chevaliers de ton espèce ? Ton armure est bien belle… Ton bassinet aussi…
    – Présents du roi, sire. Je les ai reçus au retour de ma première mission auprès de vous.
    – Que peut-il t’offrir de plus, désormais, sinon la mort en cette guerre !
    Estimant inutile de répondre, Ogier vit Édouard III rompre le sceau de cire rouge, déplier le parchemin et sourire pendant qu’il en prenait connaissance :
    – Mon cousin ne sait plus ce qu’il veut. Ici, c’est Saint-Germain-des-Prés… Au-dessous, c’est Vaugirard… et je ne sais quel lieu entre Franconville et Pontoise !
    L’Anglais se mit à marcher, jetant dès ses premiers pas le défi de Philippe VI sur la table luisante d’un incarnat diffus, car les flammes toutes proches devenaient hautes, audacieuses. Derrière la porte ouverte, Ogier entrevit des gardes attentifs.
    – Sa passion des romans de Chevalerie abêtit mon cousin… Vous paraît-il seulement un roi juste à vous, messire, qui êtes son truchement ?
    Après la familiarité, Édouard III reprenait ses distances.
    « Juste ? Non : il a accepté la dégradation de mon père sans se livrer à la moindre enquête, simplement parce que Blainville la lui réclamait ! Mais à quoi bon, céans, revenir au passé ! »
    Toutefois, par le biais de cette question insidieuse après laquelle le monarque réitérait sa proposition de l’accueillir à son service, Ogier fut certain que Godefroy d’Harcourt avait parlé des Argouges. Il en fut contrarié.
    – Philippe est un grand sot !
    Il était impossible d’en disconvenir ; pourtant, et sans doute parce qu’il se sentait offensé à travers la personne royale, le mépris d’Ogier à l’égard de Philippe VI s’enroba de pitié sinon de dérision : c’était ce valétudinaire aux idées boursouflées qui détenait le destin de la France. Si, de son tombeau à Saint-Denis, le Roi de Fer voyait et entendait son neveu, le suaire dont on l’avait entortillé devait ruisseler de sueurs froides !
    – Northburgh ! cria Édouard III.
    Le prince Édouard était-il absent ? Quelle ville était-il donc allé détruire avec Harcourt, son complice et son maître ?
    – Je vais, chevalier, donner réponse à mon cousin. Annoncez-lui que pendant que vous étiez avec moi, mon fils chevauchait vers Montfort-l’Amaury…
    Disant cela, Édouard III marchait les mains au dos, sur le sol de terre battue. Le tabellion tardait sans qu’il s’impatientât, et séparé du roi par la grosse table sur laquelle le parchemin formait une tache claire, Ogier scrutait ce profil acéré, cette barbe taillée en deux pointes aiguës comme des fers de lance où se dissimulait – mal – un sourire.
    Un clerc arriva, pâle, sec, un peu voûté. Le roi lui désigna une chaise en ciseaux dont le cuir doré craqua sous son séant :
    – Écrivez, Michel (291) …
    Et d’une voix sûre, sans jamais élever le ton, le souverain dicta :
    –  Philippe de Valois. Nous avons entendu les lettres par lesquelles vous nous avez signifié que vous vouliez combattre, contre nous, entre Saint-Germain-des-Prés et Vaugirard de Paris, ou entre Franconville et Pontoise ce jeudi, samedi, dimanche ou mardi prochain ensuite, pourvu que nous et nos gens ne fassions dommage, ne brûlions ni ne robions, sur quoi nous vous faisons savoir que, en assurance de Dieu et du cher droit que nous avons à la couronne de France que vous occupez torceneusement en déshéritance de nous, contre Dieu et droiture (292) …
    Le roi se tourna vers Ogier, et d’un ton de confidence :
    – N’est-il pas juste que le vrai descendant de Philippe le Beau, c’est moi ?
    Pour ne pas avoir à répondre – affirmativement –, le garçon regarda vers la porte d’entrée devant laquelle le Moyne de Bâle et Gauric venaient d’apparaître. Alors, nullement offensé, riant même de cette échappatoire, Édouard III poursuivit sa dictée :
    –  Nous ne sommes pas venus avec orgueil et suffisance en notre royaume de France, tenant notre chemin devers vous, pour faire fin de la guerre par bataille. Mais vous qui pouviez obtenir la bataille avez fait briser les

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