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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ponts entre vous et nous, de sorte que nous n’avons pu vous approcher et passer l’eau de la Seine lorsque nous vînmes à Poissy…
    Quelqu’un entra, clochant fort : Harcourt. Dans ses yeux, Ogier crut voir le reflet des incendies que sans doute il avait fait allumer.
    – Encore toi !… Que veut ton roi cette fois-ci ?
    À voix basse, mais sans bouger pour s’approcher de cet homme dont l’armure était éclaboussée de sang, Ogier l’expliqua.
    – Il est fou ! dit le Boiteux tourné vers Édouard III.
    – Il est surtout plus présomptueux qu’un coq !
    – Comment va mon frère ?
    – Bien, messire.
    Que répondre d’autre ? Une telle inquiétude révélait cependant un grand trouble de l’âme. Harcourt souffrait. Il avait bien cherché cette souffrance-là ! Et l’autre : Jean ? Il souffrait moins, semblait-il. Mais fallait-il se fier à cette apparence ? Et que dire, maintenant ? Rien. Était-ce en raison de la mauvaise lumière ? Harcourt semblait avoir subitement vieilli. Son cou, au sortir du colletin de fer, était maigre, plissé. De grosses rides – cinq coups de griffe – mettaient sur ce front haut une tristesse dure et comme solennelle. Peut-être était-il épouvanté de ce qu’il faisait ; de ce qu’il voyait. Peut-être touchait-il du doigt sa propre abomination. Peut-être sentait-il au-dessus de sa personne, telle une ombre flamboyante née des brasiers suscités par lui et qui, cette nuit encore, ensanglanteraient les ténèbres du bord de Seine, la présence de Dieu et l’imminence de Sa justice…
    Tapotant de sa dextre l’épaule du clerc, Édouard III commenta :
    – Ce n’est pas à lui, Michel, de nous dire où et quand ! Il a fait briser le pont de Poissy ; nous l’y aurions attendu de l’autre côté pour l’esbahir de prime face en lui prouvant notre vasselage (293) … Reprenons : Nous voulons exploiter notre guerre au mieux que nous pourrons. Si vous aviez eu vraiment la volonté de nous combattre, vous nous eûtes dit le jour et l’heure que vous souhaitiez nous trouver prêts en champ, car c’est la chose que nous désirons souverainement pour le commun profit de la chrétienté…
    « Il va fort ! » songea Ogier tandis qu’Harcourt, du revers de la main, essuyait son front en sueur.
    –  Donné sous notre grand sceau à Auteuil, le quinzième jour d’augst…
    « Auteuil ! » se dit Ogier. « Mais c’est tout près de Paris ! »
    Bien qu’il se fût efforcé de compos sui (294) son effarement dut se lire sur son visage.
    – Sans doute, confia Édouard III à Godefroy d’Harcourt, ce jeune chevalier s’étonne-t-il que j’aie dicté quinzième jour alors que nous voici au soir du quatorzième… Mais nous sommes à la Vigile de l’Assomption, et il reste si peu pour que nous parvenions au seuil de la Sainte Fête !… Ces jours sacrés, je ne les emploie qu’à la prière.
    Édouard III se complaisait sûrement à mêler le mensonge et la vérité, à substituer la fatalité de la guerre au Miracle de la Vierge, la fête écarlate à la Sainte Fête. Son angélique sourire se corrompit en une sorte de grimace lorsque, brusquement, Ogier le défia du regard.
    – Sachez, messire le noncierre, que j’ai de bons coureurs et amis à l’entour de Philippe ; sachez, par conséquent, que ce jour d’hui, il était en l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, à m’attendre, sans même être certain que vous m’aviez atteint !… Qu’en pensez-vous ?
    Ogier se sentit misérablement seul.
    – Je n’ai rien à dire.
    Réponse qu’il eût voulue sèche, pleine d’irrévérence, et qui était comme l’aveu de sa confusion. Devant ces deux ennemis aux mines de vainqueurs, l’un grattant son menton, l’autre lissant sa barbe, il craignait de passer pour un couard. Aussi dit-il enfin :
    – Auteuil n’est point Paris.
    Un grand rire sortit de la bouche poilue d’Édouard d’Angleterre. Après avoir lancé à son compère un clin d’œil d’intime connivence, il admit :
    – Certes, Auteuil n’est point Paris, mais sans avoir besoin de monter aux arbres, nous en avons vu, depuis ce matin, les tours et les murailles !
    Ogier ne sut que répliquer ; il s’y perdait : il y avait des milliers de Goddons à Poissy, il y en avait ici ; il y en avait à Montfort-l’Amaury. Ces démons avaient-ils reçu des renforts ? Il devait quitter promptement cet endroit et rendre compte au roi de tout ce qu’il

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