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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’onctueux Louis de Blois félicita Philippe VI d’avoir envie de conforter les siens. Il fut convenu que l’armée marcherait droit au Nord ce qui, précisa le comte d’Alençon, signifiait vers Amiens, puisqu’on savait la Picardie menacée. On chemina vingt toises, pas plus, sur le chemin de Bourg-la-Reine, et le roi fit alors demi-tour, convaincu par son frère de passer la nuit à Antony.
    La cité fut en quelque sorte envahie. On alluma des torches. À leurs lueurs, Ogier vit des manants tendre le poing dans le dos de ces hommes de fer qui pénétraient dans leurs maisons en exigeant des lits, du vin et des victuailles, tandis que le roi se tenait aussi noblement que possible, dodinant des épaulières et parfois sursautant disgracieusement : son palefroi houssé de soie bleue semée de fleurs de lis augmentait ses incartades.
    – Ah ! là là, soupira le sire de Beaujeu dont le heaume vieillot tintait à l’arçon de sa selle, quelle mésaventure !… Ce qui m’avait ébahi jusqu’ici, c’était l’hypocrisie de ces deux souverains : ils affirmaient n’être ni l’un ni l’autre dans cette guerre commencée en Flandre il y a six ans, puis venue en Bretagne et même… à Aiguillon !… Chaque fois que l’un ou l’autre, par l’un de ses vassaux liges, tout d’abord Artevelde, puis Jean de Montfort et Charles de Blois, commettait une action sanglante et craignait une vengeance de la même espèce, il demandait une trêve… pour la violer quelques semaines, voire quelques jours après… Ces temps-ci, les deux grands suzerains se combattent enfin… Pas vrai ?
    Personne, à l’entour du chevalier d’autant plus disert qu’il n’avait rien à dire de substantiel, personne n’osa répondre que pour le moment, on n’avait vu qu’un roi faire acte de guerrier puisque l’autre, tel Diogène, cherchait un homme.
    Bien qu’Alençon l’eût invité à le suivre dans la maison d’un fournier (317) « juste le temps de vider un hanap et une écuelle », Ogier chemina parmi les piétons. Ce que leurs chefs savaient, c’était que pour gagner Amiens, il fallait traverser le Beauvaisis…
    –… et que le Beauvaisis, c’est pas tout près, messire !
    Ce qu’il savait, lui, Argouges, c’était que Blainville avait suivi le roi et son puîné pour tenter d’entretenir sinon d’aggraver la discorde dont, sans décence, les deux Valois avaient fait étalage.
    Les piétons rechignaient de plus en plus. On leur avait promis des chariots pour leurs armes, or, nul ne s’inquiétait de leur réquisition. Les chevaliers cheminaient, riaient, devisaient, tançaient les hommes de leur lance (318) , et pour y voir mieux dans cette nuit pourtant grise, on alluma des torches : aux grands brasiers immobiles et mortels des Goddons, l’ost de France, sans souci d’avertir ainsi les guetteurs adverses sur son avance, répliqua par de longs cortèges illuminés.
    – L’Anselme, chante-nous ta chanson ! cria quelqu’un.
    La voix, bientôt couverte par d’autres, devint mille, dix mille voix, peut-être plus, ardentes :
    … on frappait d’estoc et de taille
    Férissait dur chair et tripaille
    Et pourfendait cottes de mailles
    En hurlant fort : « Aïe ! Aïe ! Aïe ! Aïe ! »
     
    Ha ! le bel estour sans merci
    Que la bataille
    Que la bataille
    Ha ! le bel estour sans merci
    Que la bataille de Poissy !
     
    Maints piétons sourirent en constatant autour d’eux le courroux de certains seigneurs.
    – C’est un chant irrespectueux, une offense aux défenseurs du pont de Poissy ! hurla quelque part un baron indigné.
    « Il souligne surtout la sottise du roi ! » songea Ogier, prêt à entonner le refrain, et tandis qu’entaille rimait avec ventaille, il évoqua tous ces absents qui, sachant pourtant l’Anglais sur la terre de France, ne faisaient rien, apparemment, pour l’en refouler : Guesclin, Charles de Blois, André de Chauvigny, Rochechouart et l’infect Charles d’Espagne.
    – Des couards, murmura-t-il, des forts en goule… Rien que ça !
    Il chevaucha toute la nuit. Au matin, traversant un village ruiné, il tressaillit en apercevant un homme en armure noire, tête nue, occupé à soigner un blessé allongé sur la plus haute marche du parvis de l’église, tandis que ses compagnons emportaient des corps sans vie dans le cimetière attenant au saint lieu.
    Menant son Blanchet jusqu’à l’inconnu dont il ne voyait que le dos, il

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