Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
charrettes renforçant de loin en loin certains points sensibles de leur défense, venaient de se lever d’un coup. Les paupières plissées à cause du soleil, Ogier pensa qu’ils étaient tous coiffés d’une barbute, et comme aucun acier ne luisait à leur poing, ce ne pouvait être que des archers.
    Voyant ces milliers de statues de fer, la plupart des piétons ahuris reculèrent. Les chevaliers aventurés sur la pente furent saisis par la stupéfaction, le doute, l’incertitude. Constatant enfin l’absence de tout commandement, certains tournèrent bride dans l’intention de repartir vers les bosquets ; ceux qui en venaient hurlèrent à la couardise. Effaré, indigné, Ogier vit certains chevaliers arrivés de l’arrière menacer de leur épée les indécis afin de se frayer parmi eux un passage, et même en frapper quelques-uns, tandis que l’armée anglaise, immobile, silencieuse et fière sous son toit de bannières et de pennons flamboyants, assistait à cette discorde fratricide sans précédent de mémoire de guerrier.
    – Leur orgueil les rend fous ! s’écria Philippe VI.
    Et comme ses maréchaux semblaient approuver les mutins :
    – Puisqu’il en est ainsi, faites commencer la bataille par les Génois, au nom de Dieu et de monseigneur saint Denis !
    Devançant de nouveaux escadrons, des maréchaux et capitaines sortirent des bosquets. Sur leurs injonctions, des coureurs galopèrent jusqu’aux Génois, l’épée brandie, en hurlant : « À la mort ! À la mort ! » Doria ou Grimaldi aboya un ordre à la suite duquel les mercenaires poussèrent un grand haro destiné à effrayer les Anglais, lesquels restèrent muets, immobiles.
    Nouveau cri, suivi d’un pas en avant ; nul ne broncha chez l’adversaire. Une pluie épaisse tomba. Violent et inattendu, un grondement de tonnerre ébranla le ciel. Une nuée de corbeaux s’éleva des bois feuillus d’alentour et forma au-dessus du Val-aux-Clercs un gros nuage de plumes noires, si compact, si croassant, si prodigieux que certains Génois se signèrent.
    – Le deuil est dans l’air, commenta le comte d’Alençon. Et ces oiseaux vont au-dessus d’Édouard !
    Ogier vit une trentaine de Génois attardés, leur pavois tressautant dans le dos, courir autant qu’ils le pouvaient sur le chemin de Crécy, et se joindre à leurs compagnons. Sur un ordre de l’un d’eux, tous manœuvrèrent le cric de leur arbalète, armèrent sa gorge d’un carreau et tirèrent, décidant des milliers d’autres à en faire autant. Dix mille traits, peut-être davantage (398) , volèrent vainement vers l’ennemi.
    – Allez ! Recommencez ! hurla quelque part Doria.
    Ogier vit quatre Anglais tomber, puis cinq ou six autres. Rien que cela. Les Génois avaient décoché leurs carreaux sans viser, sans estimer, semblait-il, la distance qui les séparait du haut de la colline. Tous moulinaient et rechargeaient leur arme.
    Alençon poussa un cri de colère et, flattant l’encolure de son cheval :
    – Allons-y, dit-il. Mon gonfanon ! Où est mon gonfanon ?… Henri !… Étienne !
    – Voilà, monseigneur, dit l’Henri, le poing crispé sur la bannière comtale.
    – Te voilà !… Où est Vertaing ?
    – Parti chier de peur quelque part, je présume…
    « Il peut avoir fui », se dit Ogier. Mais il n’était plus temps de songer à ce fourbe : Alençon trottait sur la droite, pour rejoindre un escadron partant vers Wadicourt ; Philippe VI avançait au centre, et après avoir mis le royal Aveugle en lieu sûr – dans les bosquets, sans doute –, le Moyne de Bâle galopait vers trois informes corps de batailles, à gauche, en compagnie de Charles IV enfin réapparu. D’autres chevaliers quittaient le refuge des arbres, exhalant leur haine en exclamations soutenues.
    « Qu’adviendra-t-il de nous ? Nous courons sans ordre et sans apprêt… Nous allons gêner les mercenaires et les piétons ! Ils devaient bien, pourtant, nous préparer la voie… Tels qu’ils sont éparpillés, jamais ils ne pourront nous céder le passage ! »
    – Pourquoi nous sommes-nous chargés d’une telle ribaudaille ? vociféra Alençon.
    Il galopait bassinet ouvert. Quelque part, Jean IV d’Harcourt et son fils hurlaient : «  Godefroy, nous voilà ! » Ogier se demanda si Knolles et Calveley se trouvaient parmi ces hommes toujours droits et immobiles, là-haut. Tirant prudemment sur les rênes du Blanchet, il vit les hommes de la

Weitere Kostenlose Bücher