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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pavois et des sagettes restait invisible.
    – Messire, dit Thierry, cette fois il semble que nous y allons.
    Ogier se garda de répondre « Hélas ! » par crainte de passer pour un couard. Il s’aperçut qu’il pleuvait encore : une pluie fine, mais le nuage qui la répandait était petit. Il vit, proches de lui, Vertaing et Blainville jambière contre jambière, et parlant à mi-voix. Alençon surprit son regard.
    – Fenouillet ! reprocha-t-il, grognon. Laissez-les donc… Dites-moi pourquoi vous conservez à votre selle, avec votre vieil haubert, votre écu dans cette housse épaisse.
    – Monseigneur, j’ai mes raisons et vous les donnerai après le grand hutin qui se prépare… si toutefois j’en réchappe… Je les donnerai également à votre frère…
    – Soit !… Voyez combien nous sommes !… C’est beau, n’est-ce pas ?
    À droite, à gauche, devant, les chevaliers, lances hautes, bannières ondoyantes, formaient trois groupes désordonnés, entourés de milliers de piétons allant de front sur une demi-lieue, de sorte qu’au loin, leurs barbutes, chapelines et bicoquets, leurs sarraus cloutés ou renforcés de mailles semblaient de grosses gouttes mouvantes. Oui, c’était beau. Beau comme ce que les Grecs appelaient tragédie.
    Empruntant et longeant des deux côtés la route d’Abbeville en direction de Saint-Omer, le roi de France et sa multitude virent paraître à leur gauche une forêt touffue. Après une lieue, les arbres y devinrent moins sombres et moins serrés.
    – Est-ce le Val-aux-Clercs ? interrogea Philippe VI.
    – Non, sire, dit le Moyne de Bâle. C’en est, si vous le voulez bien, la base… Le Val-aux-Clercs est au-dessus, toujours à votre senestre, sitôt après ces boqueteaux.
    La clairière apparut, limitée sur ses longueurs, à gauche par un chemin conduisant à Crécy, à droite par une voie plus large.
    – La chaussée de Brunehaut, sire, dit le Moyne de Bâle.
    Ogier considéra ce vaste échiquier où les prés alternaient avec des compartiments de terres brunes, les unes labourées, les autres en jachère. Ensuite, c’étaient les bosquets dont le Moyne de Bâle avait parlé : des chênes, des ormeaux et des frênes sur une largeur de cinq cents toises. Enfin, montant vers Crécy, bien visible, et le hameau de Wadicourt enfoui dans un bouquet d’arbres, s’étendait un champ immense, verdoyant, mamelonné à son extrémité toute luisante des aciers ennemis. Et déjà, dans cette prairie, les Génois avançaient en longues files prudentes.
    – Nous y voilà, Thierry.
    – Oui, messire, et nos Génois s’arrêtent. Je ne les croyais pas si nombreux devant quand je voyais ceux qui traînaient à nos côtés… Ils sont bien dix mille… et la plupart sans leur grand pavois !
    Les arbalétriers s’étaient immobilisés, attendant un commandement. Cessant de les observer, Ogier regarda les murs gris de la cité de Crécy. Devant, Édouard III et ses maréchaux avaient disposé, semblait-il, plusieurs rangs de combattants. À l’effet neigeux des cottes couvrant leurs mailles, il crut reconnaître les hommes de cette Compagnie blanche qu’il avait vus au siège de Rechignac. Déplaçant son regard vers la droite, d’autres formations attirèrent son attention et celle du comte d’Alençon :
    – Ces cottes blanches marquées d’un peu de rouge, à qui sont-elles ?
    – Ce sont, monseigneur, celles de l’archerie galloise. Tous les hommes portent une croix vermeille sur leur poitrine.
    – Bon sang ! Il y en a jusqu’à Wadicourt, dit Thierry, tout excité. Et tout en haut, là-bas, c’est leur chevalerie !
    Trois groupes d’armures scintillaient au sommet.
    – Ainsi, c’est vrai, grogna le roi de France, ses petits sourcils et son grand nez froncés par un effort d’attention. Leurs chevaliers nous combattront à pied !
    – Il semble bien, mon frère. Notre assaut n’en sera que plus aisé !
    Alençon souriait : des chevaliers mêlés à la piétaille ! Ces Anglais manquaient du sens des convenances.
    Surveillés, admonestés par quelques capitaines à cheval, les piétons de France avançaient en direction des bosquets. Des cris éclataient :
    – Hâtez-vous, fainéants !
    – Il faut céder la place à tous ceux de derrière !
    La foule armée était immense, à se demander si le grand champ, là-bas, pourrait la contenir.
    – Les Génois n’ont pas bougé, Thierry. La plupart sont armés de leur seule

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