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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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broches de bois, ni plus ni moins…
    –  Haaahhh !
    Le formidable élan des meneurs de l’escadron d’Alençon venait de s’effondrer dans une tranchée brusquement révélée après laquelle une levée de terre discontinue, hérissée de piques acérées, constituait une seconde ligne défensive avant les palanques de l’ennemi. Les tout premiers chevaux se rompirent les membres dans la fosse tandis que ceux qui parvenaient à la franchir d’un saut allaient donner dans les épieux dont les pointes crevaient leur poitrail ou leur ventre. Tous tombèrent, exhalant de grandes plaintes, entraînant leur seigneur dans leur chute et parfois dans la mort, car sous la force du heurt, certaines cuirasses s’ouvrirent aux biseaux de bois dur. Derrière, les autres destriers poussèrent, tombèrent et se meurtrirent à leur tour sur le parapet planté de dents obliques. Hommes et bêtes s’amoncelèrent, criant, râlant, hennissant de peur et répandant leur sang. Les hauteurs, de Wadicourt à Crécy, grouillantes de fers et de chairs palpitantes, retentirent de hurlements de rage et de plaintes énormes.
    « L’enfer », se dit Ogier. « En sortirai-je ? »
    Il allait atteindre cette forteresse agreste à laquelle l’entassement des blessés et des morts composait une sorte d’escarpe affreuse où sortaient des bras, des fragments de hampes et de bannières. Tirant sur le mors du Blanchet pour tenter de le mettre au pas, il vit Alençon, devant lui, se ruer à force d’éperons, sur une douzaine de coustiliers brusquement apparus derrière des ridelles attachées à des troncs rompus. Le destrier du comte fut enlevé d’un tel bond par-dessus les cadavres comblant à cet endroit la tranchée, qu’il se reçut au-delà des épieux, parmi les piétons d’Angleterre. Repoussée à coups de piques, la bête recula, volta, fléchit des antérieurs et s’affaissa, l’œil percé d’une flèche.
    Le frère du roi, agile, avait sauté à terre et moulinait déjà son épée. Ogier, bousculé de tous côtés par ses compagnons et leurs montures, le perdit de vue.
    – En avant ! Montjoie ! Montjoie !
    Saint-Venant, le bassinet ouvert, s’égosillait : la chevalerie, soudain, n’avançait plus. Effrayés par les plaintes et les râles de leurs congénères, les chevaux pointaient, refusaient, se livraient à des ruades et des cabrades, indociles aux impérieuses pressions du mors et des éperons, et recevant en pleine croupe ou en plein flanc la poussée des nouveaux venus, car la cavalerie de Philippe VI, compacte ici, désunie là, mais toutefois interminable, envahissait au grand galop la colline.
    Prisonnier de cette hydre vociférante, tourbillonnante, agitée de grands spasmes de fer où les épées crépitaient comme un feu gigantesque, Ogier tenta d’apercevoir Thierry et Alençon. Il mena son Blanchet au-delà des épieux rompus, en un lieu où quelques chevaliers à pied, hurlant «  Montjoie  », affrontaient des vougiers et des guisarmiers. Que pouvaient des épées contre des armes deux fois plus longues ? Rien. Les malheureux atteints par ces aciers pointus et courbes basculaient et se trouvaient achevés au sol sans avoir pu se relever pour se défendre ; certains hurlaient, embrochés entre leurs tassettes. Partout c’était un gargouillis de cris gutturaux, de hennissements, d’exclamations et d’enseignes : «  Montjoie ! Saint-Denis ! England ! » Les comtes et les barons de France tombaient, tombaient toujours, incapables d’éluder de leur lame toutes ces armes de piétons poussées vers eux, et qui les crochetaient, les pénétraient, les égorgeaient, les éborgnaient.
    – Mais il est là !… Contre des picquenaires !
    Frappant avec sa longue lame des Goddons surgis de derrière un écran de soliveaux et de fascines, Alençon hurlait de fureur et de haine. Il se battait bien, moins soucieux d’éviter les coups que d’en fournir, et du sang sinuait de ses épaulières à ses cubitières, lui faisant deux manches honorables. Il taillait, frappait durement, tandis que sa cotte d’armes déchirée perdait ses fleurs de lis.
    – Monseigneur, gardez-vous !
    Ogier tomba de tout le poids de son Blanchet sur le flanc droit des picquenaires, et ce fut comme un coup de faux dans un champ : les hampes volèrent en éclats, des hommes renversés tombèrent sur leurs compères.
    Dans la brèche ouverte, le garçon travailla de taille, toujours et toujours, de droite

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