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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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et de gauche, sa lame abattant un homme chaque fois. Il rompit des bras, lacéra des camails de mailles, poussa encore le Blanchet ; vit un cheval, près de lui, manquer des quatre pieds : celui de Montmorency et rejoignit le frère du roi. Taillant toujours, il cria : « Je suis présent, monseigneur », et constata qu’au lieu de se trouver vers Wadicourt, les soubresauts et les poussées de la mêlée les avaient entraînés vers le centre de la colline, là où Philippe VI aurait dû batailler. Où était le roi ? Où était la chevalerie de Jean de Bohême, et particulièrement le Moyne de Bâle ? Comment le savoir ? Porter son regard plus loin que son épée, c’était périr. Déjà, il ruisselait sous son bassinet dont la vue et les trous de la ventaille semblaient s’amenuiser désespérément.
    « À pied ! À pied ! » se dit-il.
    Jetant son écu sur une tête anglaise, il sauta hors de selle et se reçut bien. Le Blanchet se cabra, rua, et tout heureux d’être libre s’ouvrit une voie dans la presse.
    – Courage, monseigneur !
    – Ils craquent, Fenouillet !
    Alençon jouissait de meurtrir l’ennemi. Son plumail à demi défait ondulait à chaque coup de taille, qu’il portait des deux mains, à grands efforts de bûcheron. Henri le suivait, à pied, se battant à corps perdu avec l’arestuel de sa bannière.
    « Les Goddons savent qu’ils ont affaire à un grand personnage. Ils ne portent pas tous les coups… Ils veulent s’en emparer… Tiens, Hainaut, toujours à cheval ainsi que Senseilles, sur son beau destrier noir ! »
    Ils refluaient toujours vers Crécy. Le roi eût dû se trouver là… Et Bâle. Et Charles IV. Ne pas les chercher : regarder loin devant, c’était périr.
    Ogier parvint à s’adosser au comte. Une horde de chevaliers anglais apparut, hurlant le nom d’Édouard. Les réchappés des premières charges les percèrent de leurs lances et de leurs lames, puis, foulant des blessés, montant sur les cuisses, les flancs, les cous des chevaux morts, tranchèrent les épieux encombrant leur passage. D’autres Anglais surgirent et les rejetèrent. Ogier se sentit emporté dans un tourbillon de fers ensanglantés, craquant, hurlant, gémissant, hennissant. Bruits sourds des tranchants sur les heaumes et les écus ; et ceux, plus secs, des lames entrechoquées dans un jaillissement d’étincelles ; martellements des masses, des plommées (402) et fléaux d’armes ; craquements des lances que les Anglais avaient réduites de moitié pour mieux les manier ; cris des hommes s’encourageant à la tuerie :
    « Nous reculons ! Ils nous repoussent sur la pente ! »
    À chaque bref dégagement du terrain, les survivants de l’escadron d’Alençon, demeurés sottement en selle, approchaient sans raison leurs chevaux des épieux où ces malheureuses bêtes laissaient leurs tripes. Des flèches tirées de près recommençaient à siffler ; certaines se fichaient en frémissant dans les visières, les jointures des colletins, les dossières, et sous les feux du soleil déclinant, le sang ruisselait dans les herbes. Les combattants glissaient dans une fange rouge.
    Ogier vit le roncin de Vertaing, un goussaut houssé de violet, se coucher sur le flanc, et l’écuyer sauter à terre. «  Où est Thierry ? » Impossible de le savoir. Vertaing s’était remis debout. Deux léopards d’or sur fond de sable ornaient son bouclier.
    « D’où tient-il ces armes ?… Des léopards !… A-t-il saisi cet écu sur un Goddon ? Fait-il en sorte qu’on l’épargne ? »
    Près des épieux, deux chevaliers anglais se faisaient passer de grandes lances avec lesquelles ils renversaient les assaillants dès qu’ils tentaient de franchir le talus. La mêlée devenait si drue, si confuse que parfois, entre gens de l’ost français, on s’assommait. Et dans les reins d’Ogier, infatigable, Alençon moulinait toujours son épée, s’ouvrant de pied ferme et d’acier tranchant une large faille qui se refermait aussitôt sur des cris et du sang.
    – Montjoie ! Vive Philippe de France !
    Ogier renversa un Goddon ; un autre ; il frappait à l’épaule, au col, aux tassettes : les points faibles des armures. Il élaguait, il étêtait du chevalier et du piéton. Combien en avait-il occis ? Qu’importait ! Il entendit un homme hurler : «  Vertaing ! » puis le vit paraître ; sur son écu, un griffon d’argent sur fond de sable : Blainville !

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