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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’interposant, sauva la vie du souverain.
    « Il a fait ça  !… Si le roi l’a vu, il a gagné ses éperons ! »
    Ogier étouffait sous son bassinet. Autour de lui, autour d’eux, des cris éclataient, assourdis par le fer des défenses de tête.
    Thierry avait sauvé le roi !
    Mais il fallait survivre, et pour cela reculer. Comment ? De toutes parts c’était la presse. On trébuchait à chaque pas sur des corps d’hommes ; on heurtait des chevaux morts ou incapables de se remettre debout.
    Un nouvel escadron galopa sur la colline, s’éparpilla sous la pluie de flèches et parvint, amenuisé, devant les défenses anglaises. Et la même folle tuerie recommença. Le terrain devenait un hallier de fer, un marais de sang sur lesquels soufflait une tempête infernale. À nouveau, Philippe VI fut menacé par un homme moulinant un fléau d’armes ; à nouveau Thierry sauva le roi. La chaîne du fléau s’enroula autour de la lame que l’écuyer amena brusquement vers lui ; l’Anglais suivit. Saint-Venant, qui se trouvait là, n’eut plus qu’à l’occire.
    Ogier recula ; derrière lui, des chevaliers hurlèrent, le débordèrent et entrèrent dans le combat comme dans une fête. Il les vit, assaillis, tomber l’un après l’autre.
    Le soleil noircissait ; les braillements atteignaient des hauteurs impossibles, et tout devenait effrayant dans cette apothéose du meurtre et de la souffrance, tandis que le roi de France bataillait toujours, vacillant sur ses jambes de fer. Sans doute ne comprenait-il pas pourquoi il reculait devant ces piétons méprisables d’où il ne pouvait déceler le chevalier du huron tant les cottes, les mailles, les cuirasses, teintes de sang, se ressemblaient. Sans doute voulait-il mourir pour que deux ou trois trouvères – et même davantage – chantassent ses exploits… Mais quels exploits ? Il avait conduit à la mort une armée de cent mille hommes !
    – Sire ! hurla Montmorency, la cohue est grande… la nuit tombe… Vous pourriez vous perdre et être perdu en restant là !
    – Je frémis d’ire et de mautalent (403) et vous voudriez que je parte !
    Philippe VI donnait toujours des coups d’épée, mais dans le vide, car les Anglais qui l’encerclaient ne pensaient qu’à sa capture. Il demanda :
    – Mon frère se bat bien ?
    – Je ne sais, mentit Montmorency.
    – Harcourt, le nôtre ?
    – Trépassé, dit Saint-Venant. En affrontant son frère. Son fils Aumale a un bras rompu.
    – Blainville ?
    – Je ne sais où il est, sire, dit Montmorency. Je vous en parlerai !
    – Et moi également ! dit Ogier.
    Plus il assenait son épée sur des membres, des têtes, des armes, et plus il en réapparaissait. De dessous les arbres gonflés de ténèbres, des Goddons surgissaient en hurlant et dévalaient la pente, prenant de flanc les compagnies de France qui, rassemblées en grand-hâte par les sergents, montaient au pas de course à l’assaut, pour tomber sous les flèches galloises. Mille et mille vociférations ricochaient de la pointe de Wadicourt au clocher de Crécy.
    Devant ces hommes à pied armés d’un vouge ou d’une fourche de guerre, les chevaliers maintenant s’effrayaient. La mort les enivrant, tous ces piétons anglais voulaient tuer, tuer, tuer toujours – comme pour venger leurs congénères exterminés par les seigneurs de France. Ogier, Thierry, Montmorency, Hainaut – miraculeusement réapparu – et d’autres, le roi au milieu d’eux, se dégagèrent d’un épais collier de fers fracassants. Ils écumaient dans leur heaume. Avec de grands gestes de bûcherons ou de faucheurs, selon la réplique aux coups de l’adversaire, ils levaient, abattaient leur arme, priant parfois pour que son acier tînt bon. Les gisants sur le sol les faisaient trébucher, mais essayer de voir où l’on posait ses pieds devenait un mouvement mortel. Des aciers gainés de sang les menaçaient sans cesse, et au-dessus du tumulte barbare, ce qui les accablait, c’était l’odeur du sang, des tripes chaudes, des têtes décervelées, des fientes et des urines.
    – Courage, messire !
    Thierry. Essayer de ne pas le perdre. Où en étaient-ils tous ? Comment le savoir ? Déployées interminablement tout au long du vaste front, les défenses anglaises semblaient des chapelets d’écueils sur lesquels sans répit, bourrasque après bourrasque, avec des fracas, des remous hideux et des clameurs impétueuses, venaient se briser les

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