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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’un sourire :
    – Bâle !… Miroslav me dit que vous êtes là… Où en est-on ? Je ne sais rien de ce qui se passe.
    – Sire, la nuit approche et l’on se bat toujours.
    – L’avantage est à qui ?
    Plus par fatigue et pour reprendre son souffle que par désir de faire de l’effet, le Moyne de Bâle attendit un moment ; et la voix basse, résignée :
    – Aux Anglais, sire.
    L’Aveugle sursauta, tira les rênes ; son cheval fit un pas, recula. Le vieillard, sourcils froncés, devait voir passer dans ses yeux morts d’abominables images. Les cris d’en haut, toujours forts, l’atteignaient comme les relents d’une boucherie malsaine pour lui peindre avec précision des scènes dont sa mémoire avait conservé les gestes et les couleurs.
    – Aux Anglais !… Mais ils étaient si peu !
    – Sire, coupa le Moyne de Bâle, votre parent, le roi Philippe, a commencé par occire et faire occire ses Génois, ses piétons et certains des nôtres… Il reçoit un châtiment mérité.
    Touchant les plumes ornant son bassinet, l’Aveugle demanda, la voix tremblante :
    – Où est mon fils ?
    – Charles, sire, est parti lâchement !… C’est un couard, par ma foi, que vous avez engendré… Aux premiers coups d’épée, il a tourné bride.
    Jamais Ogier n’avait vu le Moyne de Bâle s’exprimer avec un tel mépris.
    – Qui est là ? demanda le vieillard en abaissant son regard vide. Est-ce toi, Charles ?
    – Ce ne peut être votre fils, puisqu’il a fui ! C’est moi, Klingenberg… Nos chevaliers sont morts et nos piétons épars…
    Et tandis que son compagnon rapportait au roi certains faits de la bataille, le Moyne de Bâle se pencha vers Ogier :
    – Notre roi n’a plus un écu. Partout des dettes… Depuis des années, c’est ainsi… À la cour de Philippe, il oubliait sa pauvreté. C’est par reconnaissance et non par réel attachement qu’il est venu avec tout ce qu’il a pu rassembler en fait d’hommes d’armes… Il eût été mieux avisé de s’abstenir !… Le cœur doit lui cuire : son fils a fui !
    Soudain, l’Aveugle dégaina son épée :
    – Bâle… et vous, Klingenberg, vous êtes mes vassaux, mes amis et compères. Ce jour d’hui, je vous prie et requiers très spécialement que vous me meniez en avant afin que je puisse férir un coup d’épée…
    Puis, tournant son regard morne du côté d’où venait la voix de Philippe VI :
    – Race de perdants à laquelle j’ai donné ma fille ! Ce Philippe n’a rien d’un guerrier. Il n’y a pas (407) … S’est-il bien battu, au moins ?
    – Noblement, sire, dit le.
    – Noblement, non ! Si j’en crois mes oreilles, on se bat toujours, et il a descendu la pente… Il aurait dû périr avec ses chevaliers !
    – Sire, intervint Klingenberg, ces chevaliers ont montré un cœur noir en mettant à mort leurs piétons et quelques-uns des nôtres ; mais je dois dire qu’ils se sont bien battus et se battent encore… Là-haut, j’ai cru être plongé tout vivant dans l’enfer !
    Ogier vit le roi de Bohême agiter son épée.
    – Compagnons, s’écria le vieillard, faites ce que je vous dis. Emmenez-moi combattre les Goddons !
    Sans rien objecter, le Moyne de Bâle fit un geste. L’écuyer, qui se tenait immobile entre deux chevaux, s’approcha.
    – Sire, nous allons mettre un cheval de chaque côté du vôtre… et pour que vous soyez plus à l’aise, nous allons les lier tous ensemble… par la bride et les troussequins…
    – Bien ! Bien !
    L’écuyer tira son poignard et se dirigea vers les chevaux errants. Bientôt, il revint avec des rênes, et quand les deux hommes liges furent en selle, il attacha les montures selon les indications de Bâle.
    – C’est bien, Miroslav… Laisse-nous, et tâche de rejoindre ta famille, dit l’Aveugle.
    « Jamais », songea Ogier, « ce vieillard ne pourra fournir un seul coup d’épée. » Et la colère le prit.
    – Sire, dit-il au roi, ce que vous faites est folie ! Belle folie ! Noble folie !… Que ne restez-vous en ce lieu ?… Que voulez-vous nous prouver que nous ne sachions déjà ?
    – Qui est-ce ? demanda l’Aveugle.
    – Un ami, dit le Moyne de Bâle. Un vaillant ami.
    – Renoncez tous les trois !… Je vous adjure de renoncer… Là-haut, ils se descliquent… Voyez, Bâle !
    C’était vrai. Les piétons de toute espèce, pourchassés par les Anglais, s’éparpillaient vers la forêt pour

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