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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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chercher, Champartel.
    L’écuyer courut vers les deux chevaux.
    – Venez, sire ! supplia Montmorency. Voyez : nos chevaliers se sont regroupés… Ils sont bien cinq mille encore… Plus peut-être !
    Il eût fallu crier : « Assez ! » ou : « Attendez demain. Nous allons aviser. » Philippe VI chancela et se retint à Ogier ; celui-ci s’aperçut que le souverain saignait à la cuisse.
    – Sire, de grâce : retenez ces hommes-là ! Cette journée n’est pas vôtre !
    Mais, son bassinet déclos, le roi hurla :
    – Tuez-les !
    Les chevaliers s’élancèrent. Deux cents toises plus loin, dans la nuit commençante, la mortelle grêle des sagettes s’abattit sur eux, et derechef les bataillards et leurs chevaux meurtris s’entassèrent.
    – Sire ! Sire !… Venez, supplia Montmorency, menant un cheval par la bride.
    – C’est la monture de Saint-Venant, que j’ai vu tomber.
    Le visage du roi, rouge de honte et de sang, suait à grosses gouttes.
    – Dieu, soupira-t-il, va-t-il donc falloir partir ?… N’avons-nous plus de piétons pour assaillir ces maudits ?… Il doit y en avoir des milliers en chemin… Et les Génois ?… N’avons-nous plus aucun Génois ?
    – Sire, dit Ogier, vous pensez tardivement à la piétaille. Tous ceux que vous avez fait occire pourraient vous aider, présentement.
    Il n’avait pu se retenir d’exprimer sa pensée. Le roi l’avait-il entendu ? Non. Il marchait vers ces boqueteaux qu’il avait quittés si furieux et si décidé à vaincre. Son pas vif révélait une peur grandissante. Quand il fut assez loin de l’immense mêlée, il se tourna vers ses compagnons, qu’Ogier recensa incontinent. Il y avait Montmorency, Jean de Hainaut, le sire de Beaujeu, le sire d’Aubigny, le sire de Montsault, Thierry et lui, Argouges-Fenouillet. Tous sanglants et visière levée. Leur violence dissoute, ils s’observaient les uns les autres sans oser dire un mot ; le souffle leur manquant encore, ils grognaient parfois sourdement, mais ce grondement n’avait plus rien de sauvage et de cruel : ils ressemblaient à des chiens plaintifs que les Anglais venaient de fouailler au sang. Plus encore que de peur, ils tremblaient d’humiliation et de lassitude.
    Ogier eut le courage de regarder la colline terrible. On se battait encore dans l’obscurité ; des piétons couraient, se pourchassaient sur la pente où, parfois, luisaient leurs armes. Le sol gorgé de sang se gonflait de brumes roussâtres. Des cris joyeux roulaient de Crécy à Wadicourt, alternant avec les hurlements des derniers corps à corps. Et la pluie, cette fois, se mit à tomber, forte, dure, crépitant sur les fers sans pouvoir les laver.
    – Ah ! mes amis, mes compagnons… Comme vous voilà !
    – Nous sommes présents autour de vous, sire, dit Aubigny, et nous vous y garderons. Là-haut, l’on se bat encore, mais nos hommes faiblissent… Il faut nous retirer… Tenez : Blainville revient avec un destrier…
    Ogier et Montmorency échangèrent un regard. « Plus tard », signifia le maréchal d’un geste.
    – Richard ! s’exclama le roi. Ah ! Richard, vous êtes sauf… Êtes-vous atteint ?
    – Non, sire. Dieu ne l’a pas voulu.
    – Bien ! Bien !… L’on se bat toujours vaillamment là-haut !
    Ogier et Thierry cessèrent de s’intéresser à ces hommes : le Moyne de Bâle s’approchait, blême, essoufflé, auprès de Klingenberg blessé aux bras et aux épaules. Tous deux semblaient mal assurés sur leurs jambes.
    – Quelle joie de vous revoir, le Moyne !
    – Moi de même…
    Et, comme les deux compagnons, s’appuyant parfois sur leur épée sanglante, descendaient vers les bosquets, Ogier, laissant les chevaux à Thierry, décida de les y accompagner.
    – Sale guerre ! dit Bâle. Mal commencée, plus mal encore finie…
    Il héla un écuyer de la maison de Bohême :
    – Trouve-nous des chevaux, Miroslav !
    – Le roi vous a demandé moult fois… ainsi que son fils…
    – Va chercher notre suzerain.
    Bientôt, droit sur son destrier, Jean l’Aveugle apparut, coiffé de son grand bassinet au timbre surmonté d’une croix ceinte d’un vol de sable (405) constellé de cœurs enflammés. Une bannerole de soie d’argent et de gueules tombait sur la croupe de son cheval ; sa devise brodée au fil d’or courait sur les pans de son houssement de velours safrané : Ich Dien (406) . Dans l’ovale de fer, le visage soucieux s’éclaira

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