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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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tenter d’y trouver refuge. Le roi de Bohême redressa son buste de fer et, levant son épée :
    – Il faut que ce samedi, Crécy ait au moins vu quelque chose de beau !… Y sommes-nous, mes loyaux compères ?
    – À Dieu, Ogier, dit le Moyne de Bâle.
    « Il sait qu’il va mourir !… Il est fou, lui aussi ! »
    Les trois hommes, déjà, galopaient vers le centre de la colline ; vers le sang, les plaintes, le Ciel.
    – C’est folie, dit Thierry en s’approchant, mais comme disait l’Aveugle, il y aura au moins eu, ce jour d’hui, quelque chose de beau (408) .
    Ogier cracha et, du bout des doigts, essuya sa bouche spumeuse :
    – Ce n’est pas beau, Champartel, contrairement à ce qu’il croit. C’est aussi par fierté que cet homme galope… Et lâcheté : il n’a plus un écu vaillant : il lui faut en finir… Par une belle mort, il écrit sa légende… Lui aussi est fou de Chevalerie !… A-t-on le droit de faire occire ainsi ses compagnons ?… Et pour quelle raison autre que celle que je te donne ? Aucune, puisque Édouard peut crier victoire !… Ah ! là là… Quels hommes aurons-nous côtoyés en quelques jours !… Dire qu’il suffisait de contourner cette colline et que, les arbres nous couvrant, nous aurions été hors d’atteinte des sagettes !… La Chevalerie du royaume est détruite, nullement par les Anglais, mais par l’outrance d’orgueil et l’impéritie de son souverain !… Tiens, que nous veut le maréchal ?
    Sur un cheval noir taché de sang, Montmorency venait à leur rencontre. Ogier reconnut le coursier de Senseilles.
    – Taisez-vous, Fenouillet !… Vous avez raison, cent fois raison… Mais Philippe est le roi… Venez, il convient d’assurer sa protection… Et puis, nous devons confondre un meurtrier…
    – Je ne cesse d’y penser, messire !
    Ogier tourna son regard vers Blainville.
    Son tabard ensanglanté flottait au vent. Son armure, apparemment, n’avait subi aucun dommage. Il serrait toujours son bouclier dont le griffon tacheté de rouge semblait en bon état.
    « Il a donné des coups ; il en a reçu quelques-uns, mais à peine… Les guerriers d’en face avaient sûrement été avisés de sa présence et des armes ornant son écu. Après l’occision d’Alençon, nul ne l’a aperçu dans la presse. »
    Par l’ouverture du bassinet, Ogier entrevit les yeux sombres du traître, et sa bouche obliquement serrée. Il jouissait d’une déconfiture aussi nette. «  Toi, je t’exécuterai. » Présomption que cette certitude ? Non. Jamais il n’avait éprouvé, avec autant d’acuité, le sentiment violent, dominateur, que cet homme, enfin, tombait en son pouvoir.
    – Mon frère ? dit le roi.
    – Mort, dit Blainville.
    C’était effrayant d’entendre cela, mais il fallait se contenir.
    – J’espère qu’Édouard me restituera son corps.
    – Sans doute, sire, dit Montmorency.
    – J’ai vu, dit Jean de Hainaut, notre Harcourt se battre contre un chevalier au plumail rouge… Était-ce le Boiteux ?… En tout cas, il est mort.
    – Notre Harcourt ! répéta Philippe VI d’une voix molle.
    – Hélas ! oui, sire, le nôtre.
    La pluie, soudain, se fit violente et drue. Après le sang, l’eau allait imbiber cette terre. Flattant le col de son Blanchet, Ogier songea combien la passion de la gloire pouvait devenir néfaste à un règne déjà douteux en ses prémices, dès l’instant que celui qui tenait le sceptre se révélait plus orgueilleux qu’un paon, plus entêté qu’un mulet. Et si Montmorency ne l’osait, il allait devoir convaincre ce grand bêta couronné de la duplicité de son homme lige !
    – Il m’en coûte d’abandonner mes morts aux Anglais.
    – Il parle des morts nobles, chuchota Ogier à l’oreille de Thierry. Il doit y en avoir plus encore qu’à l’Écluse… en comptant les piétons…
    – Trente mille ? interrogea Thierry.
    – Bien davantage…
    – Je les vengerai ! sanglota soudain Philippe VI. Ah ! oui, je les vengerai !
    Ogier songeant simplement : « Avec quoi ? » se surprit à murmurer cette question. Il tressaillit car le roi lui disait :
    – Je reformerai mon ost, Fenouillet ! Je provoquerai Édouard (409)  !
    À fond de train, il repartait dans ses chimères. Et s’il ne s’y voyait plus en Lancelot ou Perceval, il se pouvait qu’il se crût saint Denis ou saint Martin conduisant des armées d’archanges.
    – En selle, il n’est que

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