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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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compté. J’ai de bonnes raisons de vous avoir menés à la Broye.
    – Je m’en doutais ! dit Ogier.
    Blainville le considéra en silence puis, défiant le roi d’un regard amusé :
    – Que je meure m’importe peu, désormais. Vous sortirez de ces murailles encore plus dolents que vous y êtes entrés… Bientôt, maintenant peut-être, cette porte s’ouvrira et les Anglais vous feront prisonniers. Toi, le roi trouvé, tu t’en iras finir tes jours à Londres…
    De nouveau Philippe VI empoigna le traître par son col :
    – Que dis-tu là, coquin ?
    Blainville fit entendre un petit rire dédaigneux :
    – Sachant, Philippe, quel piteux chef de guerre tu fais, et voyant de quelle façon tu éparpillais tes chevaliers et tes piétons depuis quelques jours, j’ai prévu ta défaite… La nuit où tu dormais si mal, Vertaing est allé trouver les Anglais à Crécy…
    – Comment a-t-il pu les atteindre ?
    – Tout simplement par ces mêmes feux qu’Argouges m’a vu leur faire sur le pont du Christophe… Le roi Édouard, son fils et leurs maréchaux l’ont reçu courtoisement… et c’est Chandos qui viendra vous cueillir céans, à moins qu’il ne vous rattrape si vous avez envie de fuir !
    – Tu mens !
    – Je te vois, Philippe, pâlir et trembler comme lorsque tu te fais honnir par ta Boiteuse… Sache-le : le baron de la Broye est pour les lis de France… Pour une fois, je ne te mens pas… Cet homme périra, j’en suis sûr, s’il refuse d’obéir aux sommations qui lui seront faites…
    – Qu’on me donne une épée, dit Philippe VI.
    – Sire ! s’indigna Montsault. C’est trop petite vermine pour vous !
    – Outre que ce traître est plus jeune et aduré (423) que vous, ajouta Beaujeu, vous avez été trop atteint dans les mêlées du Val-aux-Clercs. Vous n’êtes nullement en état de combattre.
    – Tu as raison… Tu as raison, dit le roi visiblement soulagé.
    Blainville ne bougeait plus ; tous ces propos le laissaient froid. Thierry, un moment, abaissa son arme. Bien qu’il lui en coûtât, Ogier s’agenouilla devant son souverain :
    – Laissez-moi, sire, être votre champion ! Il ne peut se dérober…
    – Je n’en ai pas l’intention, Argouges, et me réjouirai de te pourfendre !
    La mort. L’un d’eux mourrait. Évidence amère et virulente. « Ah ! la joie de père si je le revois dans quelques jours et lui crie, de loin : Nos lions sont rétablis dans leur intégrité !… J’ai lavé notre honneur dans le sang de Blainville ! Nous voilà de nouveau dignes de bien vivre ! » Ogier se releva. Le roi posa ses mains sur ses épaules :
    – Soit, soyez mon champion !
    Et aux autres :
    – Otez cette table et ces bancs afin de faire place.
    Jean de Hainaut, Beaujeu et Montsault poussèrent les meubles sous les fenêtres, et le vent s’insinuant par un vitrail cassé éteignit, sur le grand plateau de chêne, les chandelles placées parmi la vaisselle. Les torches, aux murs, éclairaient suffisamment.
    – Avez-vous, Argouges, un vœu à formuler pour le cas où…
    Le roi semblait sourire – ou grimacer. Derrière lui, la nuit lourde, grasse, blêmissait parfois sous l’estocade d’un éclair. Ce serait une nuit de sang, comme la journée qui l’avait enfantée. Le sang, toujours. Ogier regarda son adversaire et ne vit qu’un front penché, une bouche oblique.
    – Sire, puisque vous me demandez mes volontés, redonnez à ma famille, à mon père qui mieux que moi la représente, ses armes et son honneur. Faites de Thierry Champartel un chevalier… Je ne veux rien pour moi… Blainville a des complices ; une fois qu’il sera mort, je les retrouverai pour leur faire expier leur cruauté !
    Et tourné vers cet homme que Montmorency et Aubigny maîtrisaient toujours :
    – C’est toi, j’en suis sûr, qui fis occire Lancelot de Longval, Ernauton de Penne, Gauthier d’Evrecy, Raoul de Longpré… tous ceux qui, ici même, en cette cour, s’étaient rangés aux côtés de mon père.
    – Oui.
    Réponse pareille au claquement d’un fouet.
    – Voilà quatre autres bonnes raisons pour que je t’occise.
    – Garde ton souffle, damoiseau, car tu vas en avoir besoin !
    Sous son apparence hautaine et dominatrice, Blainville s’inquiétait. Ses Anglais viendraient-ils ? Chandos tiendrait-il parole ? Philippe VI cessa de s’entretenir avec Jean de Hainaut, pour dire à Champartel :
    – Approche… Il n’y a pas de

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