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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Avait-il été trop orgueilleux ?
    – Vous allez trépasser, Blainville !… Je vengerai tous ceux que vous avez occis… À commencer par vos femmes…
    Ils n’essayaient plus de se frapper ; ils s’observaient, feignaient de se porter un coup de banderole (426) , y renonçaient. Blainville rit :
    – Tu connaissais mes femmes !
    – Anne de Percy et Béatrix de Jullouville… Toutes deux mortes étrangement… Vous les avez occises… ou votre tueur : Ramonnet !
    Ogier attendit un assaut ; il vint, il l’esquiva :
    – Je les vengerai tous ! Votre vie est gluante de sang innocent… Vous allez succomber enfin ! Je vengerai aussi tous les morts de l’Écluse !
    Il assena un coup à la tête, sans l’atteindre, mais avec surprise et bonheur, il vit enfin Blainville s’apeurer. Il redoubla son coup. Nouveau recul. « Je le vaincrai ! Je le veux ! Je le peux ! » Il devenait une autre créature, non plus molle et pétrie d’argile mouillée de sang : cuite aux feux de la douleur et de la haine, son énergie ressuscitait. Il fallait qu’il devînt plus vif, plus hardi. Il devait dominer ce truand dès maintenant  ; le trancher, le tailler, le fendre ; mais l’autre se protégeait encore et encore.
    – Prends ça !
    Ogier trébucha et faillit choir dans la cheminée ; il sentit sur ses reins la chaleur des braises que le vent de la lame semblait avoir avivée.
    « Comment se fait-il ?… Je me sentais bien et mes bras soudain me pèsent ! J’ai fourni trop de coups mes-huy (427) … Je perds trop de sang… Poumons chauds… étroits… Oh ! il a failli me toucher l’autre épaule ! »
    Il fallait réagir contre cette torpeur ; résister de toute sa fortitude à ce fléchissement… De toutes ses forces ! Désespérant, cet immonde !… Attaquer… Encore ! Désespérant ! Au moment où on croyait l’atteindre, il se déplaçait d’un saut et maniait sa lame comme un éclair. « Je l’ai pourtant eu à la joute de Chauvigny ! » Comment le saisir ? Comment prévenir ses mouvements et se frayer, entre deux d’entre eux, un mortel passage ? Comment éviter d’être sa victime ? Ah ! que ceux qu’il avait vaincus, même ce malandrin d’Augignac… même Ramonnet… même tous ces Goddons du Val-aux-Clercs, semblaient malhabiles comparés à ce démon prompt et maléficieux !
    – Tiens ! hurla Blainville.
    Ogier riposta à cette estocade au cœur par un taillant aussi pesant qu’il le pouvait et que son adversaire, acculé à la table, ne put cette fois éviter. L’épaule ouverte à la racine du cou, le Normand hurla et se fendit.
    Ogier sentit l’acier pénétrer sous son sein. « Le cœur », s’effraya-t-il, tandis qu’un cri de douleur brûlait ses lèvres. Thierry et les autres s’exclamaient. « L’immonde ! Si je n’avais sauté, j’étais mort… » C’était à lui d’occire. À lui !
    Toute sa fureur animale, dissipée, dilapidée dans la journée, resurgit. Il avança soudain à la désespérade, taillant du vide, la poitrine ravagée de souffrance et d’essoufflement.
    « Je le vaincrai ! »
    Sa volonté de meurtre s’épanouissait comme une fleur immense et rouge au soleil de sa haine, tandis qu’il amenait de nouveau Blainville contre la table et lui interdisait tout écart.
    « Tiens, prends ça ! Et ça ! »
    Son adversaire avait cessé de rire. Il évita un coup, un autre, mauvais. Glissant sur la lame du traître, l’épée d’Ogier se fracassa sur une écuelle ; les pichets, la vaisselle tressautèrent.
    Il n’était plus qu’une bête enragée. Agir vélocement. Tuer, tuer, tuer. Il perdait son sang et sa violence ; la sueur lui piquait les yeux. Et des larmes aussi. La grand-salle semblait augmenter de volume. Le temps s’était-il suspendu ? Cet affrontement devenait interminable ! Assommer ! Fendre. Percer… Rien… Et Blainville se dégageait ; reprenait l’avantage… Sa lame… Éclair à la face… Faire des moulinets. Dérision… « Je recule. La cheminée… Le feu au cul… Les reins durs, lourds ; chauds… Ma jambe… Ma jambe qui faiblit… » Oui, il se sentait chanceler ; les lueurs des torches perdaient leur éclat, les évolutions de Blainville semblaient soudain plus vives.
    Il para une brusque irruption d’acier devant sa poitrine. Mortelle… Ouf ! Il voyait Blainville mou ; et son pourpoint maculé de sanguinolences… Gestes mous… Malaise… Dans les demi-clartés

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