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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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clerc pour bénir ton épée, mais le sang qu’elle porte prouve qu’elle a reçu un fort bon baptême.
    Il cherchait à faire de belles phrases. Et comme il revenait, par une allusion brève, au massacre du Val-aux-Clercs, Ogier pensa que cette immolation marquait pour lui, roi de France, une maturité de règne dont bientôt il se pouvait qu’il tirât fierté. Sans doute était-il moins soucieux de gouverner le royaume que de se composer une légende d’autant plus forte et tenace qu’il était d’esprit faible et de chair molle. Il ajouta, considérant longuement Champartel :
    – J’aurais pu t’armer chevalier sur le champ de bataille, mais c’était, en vérité, impossible… Quand l’écuyer Gontier d’Aire se fut bien battu sous les murs d’Antioche, Godefroy de Bouillon s’écria : «  Nous le ferons chevalier dès qu’il le voudra  », et le damoiseau eut ces mots insignes : « Non, non, pas de chevalier avant que nous ayons conquis le Saint-Sépulcre ! » Nous n’avons plus, hélas ! si noble tâche car le Pape nous a grassement contrarié à ce sujet (424) … Moult d’entre nous sont morts ce jour d’hui et ma Chevalerie a subi tant de pertes qu’il me faut, pour ma revanche, des chevaliers de ton âge et de ton espèce… Vois : je te fais chevalier sans apprêts en touchant tes épaules avec cette lame rouge, glorieuse, et je te donne l’accolade…
    Ogier, qui surveillait Blainville, vit ses lèvres trembler ; un rire en fusa :
    – Chevalerie de manants !
    Montmorency aurait pu s’offenser d’un adoubement (425) pareil. Il répliqua :
    – Tu n’es, Blainville, qu’un fils de pute. À ta place, je me serais tu !
    – Je l’ai fait chevalier, messires, dit le roi à ses compagnons. Souvenez-vous-en. Nous consignerons cela de retour à Paris… Libérez ce félon, mes amis, et donnez-lui son épée…
    Une fois libre, Blainville frotta ses bras pour y faire circuler le sang. Il saisit son arme que Beaujeu lui tendait, et recouvra aussitôt sa superbe :
    – Finies les simagrées, dit-il. Cette salle, Argouges, est juste comme il faut : douze pas de large et le double de long… Je réclame la vie si j’occis ce garçon !
    Ogier vit qu’il tenait son épée à deux mains par sa prise. Il plaça, lui, sa senestre sous les quillons de la sienne, afin d’obtenir un meilleur équilibre, tout en regrettant que cette arme ne fût pas Confiance.
    – Pas d’écu ? demanda Blainville.
    – Pas d’écu, dit Ogier. Pas de défenses de fer. Nous nous trancherons plus aisément !
    Il souriait mais tremblait comme s’il avait été nu au jour le plus froid d’un hiver glacial.
    – Mon champion, dit le roi en posant fermement sa dextre sur l’épaule de son substitut, hâtez-vous d’en finir. Quand ce sera fait, nous mangerons un peu de cet agneau qui baigne dans son jus, et partirons pour Amiens.
    – Jamais vous n’y arriverez ! hurla Blainville. Roi Philippe, tu n’as pas subi ton malheur jusqu’au bout ! Mais n’aie crainte, ta veuve…
    – Faites-le taire ! Faites-le taire à jamais, Argouges ! dit précipitamment le roi comme s’il redoutait quelques révélations désagréables.
    – Sire, dit Ogier, avec votre permission, d’Amiens je partirai pour le Cotentin en compagnie de Champartel… Pour annoncer à mon père…
    – Tu crois donc vraiment m’occire ? dit Blainville en s’approchant.
    Ogier lui fit face et n’eut que le temps d’esquiver un taillant destiné à son cou.
    Il recula d’un saut, tenant solidement sa lame, regardant avec une extrême attention la tête et les pieds de son adversaire afin de prévenir son prochain assaut. « Chaque coup reçu nous fera mal… très mal ! » Ils tournaient l’un autour de l’autre. « Puisque tu as meilleur cœur et meilleurs poumons que ce démon, fais-le courir… Attaque-le aux cuisses… comme maintenant !… Il faut qu’il saute !… Recule !… Il doit avoir peur !… Han ! Han ! Han ! Il se protège bien derrière sa lame… Qu’il sue de frayeur !… Que des gouttes poivrent ses yeux… Qu’elles poissent aussi ses paumes… Qu’elles glissent sur le cuir clouté de sa prise… »
    Il devina qu’une attaque se préparait et reçut, aussitôt, les quillons de l’épée de Blainville contre ceux de son arme.
    En grognant, il se dégagea d’une torsion de la lame et du buste et riposta par deux coups de taille que l’autre refoula sur un acier

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