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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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prompt et ferme.
    « Prolonge ton assaut ! Romps s’il t’en vient l’envie plutôt que la nécessité, même si les rires de ce démon te courroucent… même si tu provoques, comme maintenant, la réprobation du roi… Que ferait-il à ta place ?… Il serait déjà étendu sur les dalles… Sagesse est loin d’être couardise quand la mort est l’enjeu d’un croisement de fers ! »
    Blainville se revancha. Reculant à nouveau – cette fois par contrainte –, Ogier sentit dans son dos la chaleur de la cheminée, faillit trébucher contre la pierre du foyer, toucha le linteau de sa tête, se dégagea et donna des coups en reculant vers la fenêtre, obligeant les seigneurs qui se trouvaient là d’en partir.
    – Ah ! il est beau, Philippe, ton champion… A-t-il peur ? Feras-tu dire une messe pour le repos de son âme ?
    « Ne parle pas. Dis-toi que chaque attaque à la lame doit précéder de peu une attaque à la chair… Vise, s’il se présente bien – comme maintenant – le col de son pourpoint : la gorge est derrière ! »
    Blainville éluda le coup.
    – Ah ! tu te décides… Prends ça !
    L’épée vibra dans les mains d’Ogier. Follement. Ses doigts pourtant accoutumés aux heurts s’engourdirent.
    « Contiens-toi ! Pas d’attaque à fond avant d’avoir ce démon à ta portée… Même si le roi est présent, ne cherche pas à le merveiller… C’est beau, c’est grand, la présomption ; cela peut aboutir… mais en cas de glissade ou de mauvaise passe, tu serais mort ! »
    Le garçon dévia un coup de taille et s’interdit d’attaquer. Demeurer l’esprit froid. Il haletait de fatigue et d’émoi : la moindre atteinte de l’acier sur sa peau la trancherait profondément.
    – Coupe-lui un jarret ! hurla Montmorency. Nous voulons le voir à genoux !
    « Il est fou ! Alors que je serais penché, ce cagou me fendrait l’épaule ! »
    – Tu possèdes de bons conseillers, Lancelot !
    Ogier, pour réponse, assena un furieux taillant à la base du cou, qu’il manqua de peu, tandis que Blainville, promptement, lui répondait d’une estocade à l’épaule – la droite.
    « Merde, il m’a touché… Je cuis… Je saigne… »
    L’autre riait. « Il me domine ! » Se ressaisir… Comment ? Les coups pleuvaient, de plus en plus rapides. La douleur s’enflait, terrifiante. Ogier sentit son sang couler jusqu’à sa main en même temps que son bras devenait lourd, brûlant.
    Ils se battaient au centre de la salle ; un rayon de lune tombant sur les dalles y étalait une flaque de lumière grasse comme du sang. Vaincre. Se forcer à vaincre. Vaincre comme au cours de cette journée de sang. « Il est pâle. Il a peur, lui aussi. De toute façon, s’il m’étend, ils l’occiront ensuite. » Un saut pour éviter une flanconade. « Je ne fais que reculer… Il s’épuise… Il tire sur ses nerfs… » Encore une violente attaque. Encore un saut en arrière… Blainville, les lèvres retroussées comme des babines sur ses dents grises, les yeux fixes, attentifs, poussa une nouvelle estocade au ventre. Les épées frémirent ; Ogier craignit que la sienne ne se rompît.
    À refaire.
    On n’entendait que les craquements du feu et les souffles des combattants. Aux étincelles des fagots répondaient celles des lames. Blainville grondait avec une volupté lourde, provoquée par la vue du sang ; Ogier grondait de fureur. «  Je te vaincrai ! » Comment ? Par quel coup, quelle occasion ou quel miracle ? La peur de succomber avivait son courroux, donnait à ses gestes une promptitude emmitouflée de souffrance ainsi qu’une perception aiguë des tranchants à détourner.
    « Vas-y ! »
    Il attaqua, mettant dans chaque mouvement une forcennerie nouvelle. Gestes exténuants à cause de ce bras droit saignant, malade. N’importe !… Quelques taillants de droite, de gauche… Ah ! Blainville reculait… vers la porte devant laquelle Philippe VI veillait.
    – Défiez-vous, sire ! hurla Montmorency.
    Le roi se tint prêt à répondre à un coup de lame, mais son ancien favori, trop occupé, ne pouvait rien contre lui.
    – Tu vas mourir, Argouges !… Race maudite !… Vous ne vous continuerez pas !
    Un coup fulgura, suivi d’une grande douleur. Encore. Au-dessus du coude gauche. «  Merdaille, il va m’occire ! » Ogier s’était attendu à dominer cet homme. Il le haïssait tant ! Son avidité de mort se retournait contre lui.

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