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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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où l’enfonçait sa terreur de mourir, il ne trouvait rien pour s’encourager. Chacun de ses gestes s’accompagnait d’un han furieux et vain. Il devait regrouper ses forces, pallier cette défaillance incroyable. « J’ai dix-neuf ans et lui plus que le double ! » Il se sentait des plaies béantes ; morsures de souffrance ; chaudes ; brasier de chair. Un autre coup et je meurs… Gestes tremblés… Épée lourde… lourde… Blandine… Non : cela ne le vivifiait pas ; ne l’affermissait pas… Dieu ? Non… Le temps vacillait comme lui ; la fatigue rongeait ses poignets, grignotait ses biceps. La sueur lavait son corps à grande eau ; mains poisseuses, aisselles rêches… Peur toute crue ; toute nue… Se hâter… Chandos et les Anglais… Blainville et son air satisfait plus que mauvais… Comment l’occire ? Bouillement du sang ; colère en baisse et désespoir en crue… Comment l’occire ? Amorcer un coup… Reculer… Encore… L’autre avec des sautes d’humeur, des sauts de côté… Esquiver… Supporter… La danse des torches et les dalles oscillantes. Tenir droit… La gorge dure, rêche, rouge… Recommencer… Recommencer ce coup. Bras, poitrine étoilés de souffrance… Flanc… Vlan…
    – Ah !
    Ogier vit son épée rompue.
    Il avait failli choir dans les braises.
    Il jeta la prise de son arme à la face du Normand et la manqua. Il ne pouvait fuir ni gauchir (428) .
    Échappant d’un mouvement d’épaule à une estocade, il tomba pour en éviter une autre. Il entendait les exclamations du roi et de ses compagnons ; les hurlements désespérés de Thierry. Dans une esquive, il renversa la lèchefrite et son agneau. Et vit, entre les chenets, la broche.
    Se brûlant les mains, laissant sa peau dessus peut-être, il la saisit et la pointa sur son adversaire qui, l’épée haute, s’apprêtait au dernier coup.
    Le fer creva le ventre ; la lame s’abattit dans le vide.
    Emporté par son élan, sa haine et sa douleur, Blainville tomba sur les genoux, devant l’âtre, lâcha son arme, tenta de se relever mais un pied vigoureux s’appuya sur sa nuque et lui plongea la face dans les braises.
    Il y eut un crépitement fou, un cri atroce : pleur de grand enfant et rugissement de fauve. Le corps traversé du piquant de la broche fut secoué d’un sursaut hideux tandis qu’une odeur affreuse – cheveux flambants, yeux éclatés, chair ardente – emplissait la salle. Effaré, Ogier vit les mains de cet homme détesté griffer la pierre et se rejoindre pour attraper, chacune, une poignée de feu, puis se relâcher, noires…
    – Il est échec et mat !
    Ogier leva son regard sur le roi.
    – Il est mort, Argouges !… Voilà ! Je l’ai aidé pour sa dernière révérence.
    Philippe VI riait : au terme de cette journée terrible, il avait trouvé un divertissement.
    – Je ne croyais pas achever ainsi sept ou huit ans d’amitié !
    – Sire, dit Ogier écœuré par cette intervention, vous m’avez privé d’une joie : celle de voir son visage au moment du trépas.
    La face rouge du roi se contracta :
    – Il vient de cesser ses outrages… Pour toujours !… Il est cuit, Argouges !… Ses yeux, son nez, sa bouche sont rôtis… Que voulez-vous de mieux ?… Ce malandrin méritait une fin pareille… Vous parliez de l’Écluse : combien de nos hommes, là-bas, ont péri de cette façon-là ?… Il a eu la mort qu’il méritait… Et vous, chevalier, vous méritez que je vous regracie (429) pour ce bel exploit… J’ai tremblé souvent pour vous, savez-vous ?… Vous êtes digne d’être un champion… royal… Chaque fois que vous reculiez, je savais que c’était pour mieux attaquer…
    Ogier abaissa son regard sur ses mains enflées, enlaidies de grosses cloques brunes, où l’anneau de Blandine ne brillait plus. Il n’osa s’appuyer dessus et fut heureux que Thierry et Montmorency l’aidassent à se remettre debout.
    – Quand pourrai-je tenir une épée, maintenant ?
    – Bientôt, mon ami, dit le maréchal. Nous allons enduire vos paumes et vos doigts de saindoux et demain, vous irez mieux… Il suffit, pour ce soir, que vous puissiez guider votre Blanchet…
    – Ah ! j’ai bien cru qu’il m’allait tuer…
    Philippe VI souriait : « Mais non, mais non », dit-il.
    L’horrible fin de son favori le réjouirait longtemps. Il en parlerait joyeusement à sa femme. Il dit : « Dieu est juste ! » Il ne songeait plus à sa

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