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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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défaite. Ses chairs, ses traits prenaient de la fermeté ; son humilité de vaincu s’effaçait, poussée par cette grande joie d’avoir mis un terme à la vie de Blainville. Sous leurs paupières légères pour une fois, ses yeux à fleur de tête lançaient des lueurs d’ivresse, et sa bouche se retroussait sur un rire toussotant :
    – Ah ! messeigneurs… Vous avez vu !
    – Sire, dit Montmorency, votre champion ne tient plus debout.
    – Faisons-le asseoir sur ce banc, dit Thierry.
    Et déjà, le nouveau chevalier scrutait les plaies saignantes.
    – Il faut ôter votre pourpoint, messire. En aurez-vous la force ?
    Suant, tremblant, Ogier, les yeux clos, répondit :
    – Cesse de me donner du messire. Tu es mon égal, désormais !
    – Jamais je n’oserai !
    – Il le faut, dit Beaujeu en aidant Champartel.
    Et tandis que ses compagnons examinaient l’un après l’autre ses blessures, Ogier demanda :
    – Suis-je bien atteint ?
    – Point trop, dit Aubigny. Ce malfaisant aurait pu vous briser l’épaule et vous percer le cœur, mais vous avez toujours reculé promptement. Il ne me semble pas nécessaire de coudre. Il faut cautériser au fer… Nous allons demander des linges et vous envelopper serré…
    Seul devant la cheminée, le roi, à deux mains, retourna la dépouille de Blainville. Longtemps, il contempla cette tête noire dont les yeux consumés, le nez dévoré, les oreilles racornies et la bouche, réduite à un trou, fumaient en exhalant une puanteur insoutenable.
    – Fils de pute !… Où est donc ton âme, à présent ?
    Et se détournant :
    – Surtout, mes amis et compères, pas un mot sur ce que m’a dit ce coquin !
    – Nous ne dirons rien, promit Montmorency.
    – Beaujeu, Aubigny… Comme ce linfar a épargné notre agnelet, apportez-le sur la table et mangeons-le en hâte. Nous partirons ensuite.
    Montsault tendit à Ogier un hanap plein de vin.
    – Où irons-nous, sire ? demanda-t-il.
    – Amiens… Vous… oui, vous, le nouveau chevalier : allez quérir le baron de la Broye… Qu’il vienne avec des linges et un ou deux serviteurs connaissant le chemin d’Amiens. Il convient de nous y rendre sans retard.
    Puis le roi s’adressa à Montmorency :
    – Ce que cet homme immonde nous a dit était peut-être mensonger, mais il se peut aussi que les Anglais nous cernent !
    Il avait peur.
    Ogier ferma ses yeux ; il les rouvrit pour regarder ses mains douloureuses et les trouva répugnantes. « J’ai la peau d’un crapaud ! » Il vit Thierry quitter la salle et s’étonna que la joie qu’il avait tant espéré ressentir au trépas de Blainville fut réduite à cette petite satisfaction avivée de moment en moment par les souffrances de son corps. Il évoqua Isabelle. Il l’avait, elle aussi, rencontrée à la Broye. Elle était pure et avenante alors…
    Une main se posa sur son épaule, interrompant ses pensées ; une autre lui montra un anneau brun.
    – C’était sûrement l’anneau de Montfort… Vous êtes natif d’où ?
    – De Gratot, sire, près de Coutances.
    Philippe VI jeta l’anneau sur la table :
    – C’est donc proche du châtelet de Blainville ?
    – Tout proche, sire.
    Le regard du roi s’anima :
    – Il va vous falloir constituer une lance !
    – Sire, objecta Ogier, notre famille a été ruinée par cet infâme. L’opprobre où elle s’est trouvée plongée pendant six ans fut une épreuve terrible… Il faut être riche pour entretenir des soudoyers. Nous n’avons rien…
    – Je vous baillerai quelques écus dès que nous serons à Amiens. Vous les avez mérités !… Quand vous aurez dix ou douze hommes d’armes – pour commencer –, venez me les montrer à Vincennes… Il vous faudra de belles bannières et des pennons dignes de vous… Et s’il m’advient, pour quelque litige personnel, d’avoir besoin d’un champion, je vous ferai mander par un chevaucheur…
    Ogier s’inclina : l’honneur était grand, les périls énormes.
    – Sire, il me plairait de placer une devise sous mes lions…
    – Ah ! tiens, c’est une bonne idée… Laquelle ?
    –  Ut in praelio leones , sire.
    Montmorency, secourant le roi, demanda :
    – Ce qui veut dire ?
    – Comme des lions au combat, messire le maréchal.
    – Fort bien, dit Philippe VI. Que tes lions, désormais, griffent les léopards !… Qu’ils les lacèrent ! Qu’ils les dépècent et en fassent de… de la charpie !
    Un

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